Nixon, maître queutard

De tous les post-modernes américains, Robert Coover est peut-être le plus traduit en France. A quoi c’est dû, je ne le sais pas trop. Toujours est-il que tous ses livres depuis « Le bûcher de Times Square » ont connus une parution française, et ce bien qu’aucun de ceux-ci ne se soit avéré un best-seller. Tant mieux pour le lecteur francophone.

Robert Coover est né en 1932 dans l’Iowa. Tout au long de sa vie, il a été professeur de littérature, dernièrement à Brown. Parmi ses anciens étudiants, on compte Rick Moody et Ben Marcus. Il est également le fondateur de l’Electronic Literature Organization, un portail internet décider à aider la création et la diffusion d’œuvres littéraires utilisant le média électronique.

Influencé par Dostoïevski, Joyce, Beckett et Gaddis, contemporain immédiat de John Barth, John Hawkes et William Gass, contributeur régulier de McSweeney’s, cet auteur finalement peu lu est une des forces créatrices les plus importantes de la littérature américaine actuelle, une source constante d’inspiration pour ses multiples élèves.

Il y un an, j’avais été assez déçu par « Les aventures de Lucky Pierre », la dernière traduction parue au Seuil. Il s’agissait des aventures d’un acteur porno prisonnier de Cinécity, sa vie uniquement faite de performances sexuelles de plus en plus dingues. Fascinant pendant cent pages, cela tournait au gimmick pendant les quatre cent suivantes.

Je viens d’avoir l’occasion de lire un texte plus ancien, et nettement plus réussi. « Une éducation en Illinois » est un court roman, initialement paru en 1987. Il s’agit de l’histoire de la mort d’un certain Gloomy Gus à Chicago en 1937, abattu par la police lors d’une manifestation syndicale.

Gloomy Gus est un jeune homme qui savait tout faire sauf deux choses : draguer et jouer au football. Il décide donc d’abandonner graduellement ses autres activités pour apprendre à exceller dans ces deux domaines. L’apprentissage sera long et rude, mais il finira par devenir le meilleur joueur de son université, puis des Chicago Bears. Parallèlement, il se transforme en véritable maître queutard. Malheureusement, ses sacrifices lui ont coûtés le reste de ses connaissances.

Pour en arriver là, pour vaincre son hermétisme total au deux disciplines, il a été forcé d’apprendre à l’aide de routine plus absurdes les unes que les autres, utilisant des codes chiffrés sensés lui indiquer ce qu’il doit faire à quel moment. Malheureusement, notre pauvre ami voit ses codes « crackés » par ses adversaires et perd complètement la boule. Il plaque sa fiancée contre un mur ou offre son vit à une cheerleader en plein stade. Gloomy Gus est interné, soigné et relâché. Il est devenu acteur au répertoire unidimensionnel et échoue parmi des syndicalistes marxistes à Chicago, où il trouvera la mort.

Gloomy Gus, c’est en fait, 10 ans après « The Public Burning », le retour dans la fiction de Coover de l’homme qu’il déteste le plus : Richard Nixon. Le vrai prénom de Gus est Dick et c’est un quaker californien. Coover essaie d’imaginer la carrière du président du Watergate s’il avait consacré son énergie non pas à la politique mais bien au sport et au sexe.

C’est un roman parfois fort drôle, très cinématographique, facile à lire. Robert Coover n’est finalement pas un écrivain sur lequel il est nécessaire d’avoir fait une thèse pour pouvoir l’apprécier. « Une éducation en Illinois » se savoure très bien comme ça, au lecteur de choisir s’il veut ensuite faire la chasse aux multiples références, à la métanarration.

Il s’agit sans doute d’un texte mineur, mais c’est un point d’entrée dans l’œuvre de ce père du post-modernisme littéraire qui paraîtra idéal à celui qui hésite à se lancer directement dans le grand bassin.

Robert Coover, Une éducation en Illinois, Le Seuil, épuisé

 

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