Blitz

Londres, 1947. Dans une ville d’après-guerre, où survivre est toujours difficile et où les reconstructions sont en cours, la vie des quatre personnages de Sarah Waters n’a pas encore repris son rythme normal. Kay vit à moitié prostrée dans une petite chambre qu’elle loue au dessus du cabinet d’un charlatan. Elle ne sort que pour aller au cinéma. Helen a une histoire d’amour avec Julia, mais elle est rongée par la jalousie. Elle travaille dans une agence matrimoniale avec Viv. Celle-ci, presque trente ans, habite toujours avec son père. Duncan travaille dans une fabrique de bougie pour une organisation caritative, après plusieurs années de prison. Tous ont une blessure, un mystère à percer. Leur futur semble dans le passé.

Et pour le lecteur, le futur est aussi le passé. Au lieu d’avancer et de résoudre les problèmes de ses personnages, Waters choisit de développer son intrigue dans un sens anti-chronologique. De 1947, elle passe à 1944. Le blitz est déjà vieux, la population est habituée et, même si elle garde l’espoir d’une fin rapide du conflit, on sent que les bombardements et les rationnements font partie du paysage. Dans cette atmosphère, la principale déflagration n’est pas celle des bombes, mais bien celle des problèmes des quatre personnage.

C’est dans la troisième partie, située en 1941, que Waters décide d’expliciter les origines de ces ennuis. L’époque est encore presque joyeuse, insouciante : la guerre est encore nouvelle, et on espère qu’elle sera courte.

Sarah Waters n’est pas une grande styliste. Sa seule conception en ce domaine semble être d’écrire comme on parlait à l’époque. De plus, elle a quelques tics d’écriture extrêmement agaçants. Si on la lit, ça doit être pour l’histoire. C’est une bonne raconteuse, elle use bien des ficelles propres à tenir le lecteur en haleine, et sait charpenter un récit complexe de manière habile.

Le type de structure choisi par l’auteur est risqué : en remontant le temps, le danger de perdre le lecteur en cours de route est là. Il faut bien doser les éléments du récit pour garder l’intérêt de celui qui lit sans le frustrer en le maintenant dans l’ignorance du futur des personnages. Waters maîtrise fort bien cette forme, et pourtant « The night watch » ne convainc pas vraiment.

Il y a des passages forts dans ce roman, et le chapitre 1944 est sans doute le plus réussi. Les personnages sont très crédibles. On sent chez Waters une volonté d’aligner les scènes importantes, impressionnantes. Elle aurait peut-être dû s’abstenir car, si certaines sont remarquables, d’autres sont complètement bâclées. On verse parfois dans le pur mélo. Par ailleurs, et il ne faut sans doute pas s’en surprendre, la partie qui se déroule en 1941 –et qui clôture le livre- est la plus faible, et de loin. Après plus de quatre cent pages, on s’est déjà fait un idée très claire de comment l’histoire des personnages a commencé. Il me semble que Waters aurait pu ne pas inclure la version « officielle », à moins de fournir quelque chose de vraiment solide et surprenant. Elle ne le fait pas. On sent l’écrivain dépassée par son ambition.

Tous ses livres ont été des best-sellers. « The night watch » est le quatrième, et fait figure de favori pour le Booker Prize. Ca pose question. La littérature britannique est-elle en si mauvais état que l’on pense décerner un prix de cette importance à un livre à moitié bon ?

Sarah Waters, The night Watch, Virago, £16.99

 

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