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Retour sur le Mississippi

(Le papier qui suit est la version courte de celui posté sur le Fric-Frac Club, qui s'intéresse plus spécifiquement à quelques aspects de la nouvelle traduction des deux livres de Twain. Allez-y.)

Pour les gens de ma génération, Tom Sawyer, c’est d’abord un dessin animé japonais qui passait à la télé dans les années ’80. C’est ensuite un livre Hachette ou Folio jeunesse où un gamin surgit de la Drôme faisait semblant qu’il lui arrivait plein d’aventures sur les rives du Mississippi. Huckleberry Finn, pareil. Ce n’est que bien plus tard que certains d’entre nous – parce qu’on ne peut pas penser qu’il s’agit de tous – prirent conscience que c’était là une étrange trahison. Mais rien n’était venu démentir l’initiale impression auprès d’un large public jusqu’à ce que Benrard Hoepffner, traducteur résidant au moins une partie de l’année dans la Drôme, ne se décide à rendre Tom et Huck à leur véritable domicile. Retour à St. Petersburg / Hannibal et, enfin, dans les bibliothèques d’adultes dont le seul horizon est français.

Des deux titres, celui dont l’influence est la moins grande est sans conteste « Les aventures de Tom Sawyer ». Le temps d’une saison et demie, le lecteur apprend à connaître la petite ville de St. Petersburg sur les traces de Tom Sawyer, un gamin espiègle de dix ans, qui vit avec sa tante Sally ainsi que sa grande sœur Anna et son petit frère Sid. Tom est un bon enfant qui joue à être mauvais. Toujours en avance, que ce soit sur ses camarades ou sur les adultes, ce malicieux filou joue tours sur tours et passe son temps à inventer de nouveaux jeux qui impliquent en général des activités de brigands. Quand il ne commande pas ses troupes, il tente de conquérir le cœur de Becky. On peut penser que de ça est faite toute sa vie. Mais pendant les mois auxquels s’intéresse Mark Twain, Tom, en compagnie de Huckleberry Finn, enfant vagabond rejeté par les grandes personnes mais adulé par les enfants, va être confronté à quelques épisodes d’une violence rare dans ce type de littérature. Les irruptions régulières de Injun Joe (plutôt que Joe l’indien dans les versions françaises classiques) répandent le sang, et si tout finit bien – Tom est plus riche de quelques milliers de dollars --, cette expérience impressionnante marque le début de l’âge adulte pour notre héros.

Écrit par Twain pour un public enfantin avec l’espoir qu’il plaise aussi à leurs parents, le livre atteint sans aucun problème son ambition. Tom est un gamin que tous les enfants auraient voulu être et dont les aventures réjouissent ses petits lecteurs. Pour leur part, les parents voient en Tom le jeune gars qu’ils voudraient avoir été et l’écriture ainsi que la subtilité générale de l’œuvre est suffisante pour qu’ils ne pensent pas perdre leur temps à le lire. Distraction littéraire de qualité, en somme. Le verdict est correct, c’est celui qui est en général retenu. Pourtant il ne rend pas justice aux « Aventures de Tom Sawyer ». Certes moins brillantes que celles de Huck, il ne faudrait quand même pas ignorer quelques éléments qui en font un mélange plus riche qu’il n’y paraît. Twain l’annonce lui-même : Tom est la synthèse de trois garçons qu’il a connu. Selon certains spécialistes, l’un des trois serait en fait l’auteur lui-même. Il y a donc ici une large dimension biographique ainsi qu’une intention assez claire de faire revivre une époque perdue, un moment terminé, un type de vie oublié. De nombreux romans d’apprentissage – auquel genre ces aventures appartiennent certainement – se basent sur des éléments du parcours personnel de l’auteur, mais chez Twain on sent également une approche monographique d’un village du Missouri dans la première moitié du 19eme siècle qui passera sans doute par-dessus la tête des enfants mais qui aura un certain intérêt pour les plus grands – et aujourd’hui comme à l’époque plus particulièrement pour les citoyens américains nostalgique d’une sorte de pureté perdue plus élusive que réelle. Les fulgurantes scènes de violence qui émaillent le récit nous entraînent également assez loin de la littérature pour enfants classique, même si la personnalité de Injun Joe – le mal incarné – nous renvoie à des archétypes finalement assez communs. Littérairement parlant, au-delà de la qualité indéniable de l’écriture de Twain, il convient aussi de souligner que le livre est truffé de références et d’emprunts à peine voilés à des œuvres américaines alors récemment publiées (Fenimore Cooper, Poe,…), dans un jeu que John Seelye, considère comme semblable, vis-à-vis de la norme littéraire de 1876, à celui de Tom Sawyer lui-même par rapport aux conventions de St. Petersburg. Notons aussi la thèse de Leslie Fielder, qui voyait dans « Les aventures de Tom Sawyer » un de ces romans s’inscrivant dans un canon romantique américain, où les monastères et les châteaux européens sont remplacés par des grottes et des ravins.

Publié huit ans plus tard, « Les aventures de Huckleberry Finn » est fort différent de son prédécesseur. L’attention passe de Tom, enfant bien éduqué qui joue au mal éduqué à Huck, orphelin de mère, abandonné par son père, vagabond détesté par tous les gens de bien jusqu’à la conclusion heureuse des « Aventures de Tom Sawyer ». Le livre reprend très exactement là où le précédent s’était arrêté. Les bonnes actions de Huck lui ont permis de s’intégrer à la bonne société du village mais l’appel de la vie sauvage et libre est trop fort, d’autant plus que son père est revenu, appâté par une nouvelle odeur d’argent. Pour Huck, hors de question de devenir sédentaire, de se laver régulièrement et de manger avec des fourchettes mais pas plus question de se laisser maltraiter par le paternel. Mettant en scène son propre assassinat, il s’embarque pour un long périple sur le Mississipi, avec le nègre marron Jim , compagnon de voyage que le hasard lui donne.

Littérairement, c’est un livre bien plus ambitieux que son prédécesseur et la prose de Twain, très originale, en est déjà un indicateur fort -- « Huck Finn », c’est l’invention littéraire de l’oralité américaine. Là où « Tom Sawyer » se déroulait devant nous par l’entremise des souvenirs d’un narrateur omnipotent, « Huck Finn » nous est raconté par Huck lui-même. Un Huck plus vieux, mais toujours bien Huck. Ça a plusieurs conséquences. Bien que profondément honnête – à part lorsqu’il s’agit de piquer pastèques ou poulets --, Huck, en plus de sa langue peu châtiée et beaucoup plus orale que celle qui prévalait dans « Tom Sawyer », est un narrateur pas toujours fiable, fâché avec la syntaxe et l’orthographe, désordonné dans certains de ses comptes-rendus.

Et logiquement, pour un roman qui prend un pays pour sujet (même si le voyage se fait sur une poignée d’Etats : pour un gamin d’une dizaine d’années, c’est comme faire le tour du monde), les thèmes abordés vont bien plus loin que (mais comprennent) l’éducation, la recherche de soi et le passage à l’âge adulte. Twain, à travers Huck, décrit un Sud toujours esclavagiste, essentiellement rural, superstitieux mais profondément plus accueillant que le Nord, si vous avez la bonne couleur. Mais au-delà de cette ballade pittoresque remplie de personnages saisissants et de scènes absurdes et / ou amusantes, le cœur du livre est la relation entre Huck et Jim. On a souvent critiqué Twain pour avoir fait de Jim un niais gentil et affectueux (félicitations d’ailleurs à Bernard Hoepffner pour avoir rendu le « honey » que Jim adresse dans les moments d’émotions à Huck par un sublime et profondément touchant « mon tréso’ ») qui correspond aux clichés racistes des minstrel shows. C’est une drôle de lecture révisionniste qui voudrait que Twain ait écrit en 1883 comme il l’aurait fait en 1983, d’autant plus étrange que, les esclaves ne bénéficiant d’aucune éducation, sa simplicité, ses peurs et sa langue ne devraient pas étonner. Non, ce qu’il faut dire bien fort, c’est la beauté de cette relation, ce que le voisinage de Jim déclenche dans la tête de Huck. Au départ complètement pris de remords parce qu’il se rend compte qu’il est en train d’aider un esclave en cavale, les multiples aventures qu’ils vivent ensemble, la constante attention, amitié et le souci permanent de Jim envers lui, font changer Huck petit à petit, et s’il est toujours gêné par ce qu’on dira de lui (une première !) en apprenant le crime qu’il a aidé à accomplir, s’il compte à de nombreuses reprises le dénoncer, il décide de laisser le nègre marron s’en aller dès qu’il le pourra. Tous les doutes s’envoleront lorsque, vers l’épilogue, Huck se rend à l’évidence : sous la peau, Jim est blanc. Ce qu’il y a plus de cent ans avait sans doute besoin d’être souligné– noir, blanc : kif-kif – pourrait déjà sonner comme un cliché. Le message, si l’on en cherche un malgré la mise en garde de Twain en ouverture (« quiconque tente de trouver une morale à ce récit sera banni »), c’est peut-être qu’un acte que la majorité dans un lieu donné à une époque donnée juge immoral est en fait l’acte le plus correct et le plus moral qui soit.

Huck, déjà le personnage le plus fascinant des « Aventures de Tom Sawyer », pourrait être un picaro si ce n’était son côté absolument naïf, l’absence de rédemption et de morale. C’est peut-être le personnage quintessentiellement américain, ce qui ferait d’ailleurs de Twain la quintessence de l’écrivain américain d’autant plus que ses propres aventures sur le fleuve (voir « Life on the Mississippi ») ont inspiré ce volume. Huck est le premier de ces héros de papier qui font la route, celui qui la construit, l’ouvre pour que s’y engouffrent Kerouac et Augie March, pour qu’on finisse par suivre William T. Vollmann, sans aucun doute l’écrivain le plus huckfinnien qui soit, avec qui il partage sa fascination pour le terrain, le voyage, la liberté, sa naïveté aussi, sa générosité bien sûr et son obsession pour un calcul moral permanent qui prend compte de son expérience plus que de ce que les gens attendent de lui ou des contingences du temps.

Au bout du compte, que dire si ce n’est merci à Tristram et à Bernard Hoepffner ? Non seulement ils nous offrent ici la première version française de qualité de ces textes majeurs mais en plus, en ce faisant, ils parviendront peut-être à les sortir du ghetto enfance auquel ils semblent réservés de par chez nous. Voici donc une occasion pour beaucoup de vraiment découvrir pour la première fois deux grands romans, à la fois primordiaux pour qui s’intéresse un tant soit peu à la littérature américaine et terriblement divertissants. Et puis une fois fait, il sera toujours temps de l’offrir à vos enfants qui, certainement, méritent cette édition plutôt qu’une jeunesse. Ils sauront la lire.

Mark Twain, Les aventures de Tom Sawyer, Tristram, 21€
Mark Twain, Les aventures de Huckleberry Finn, Tristram, 24€

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Démonologie

La France doit la découverte de Gilbert Sorrentino à l’obstination de son traducteur, Bernard Hoeppfner. Contrairement à d’autres auteurs américains de sa génération et de son talent qui avaient déjà eu la chance - - mais bien souvent sans rencontrer le succès - - d’être traduits en français, Sorrentino a dû attendre soixante-quatre ans et treize romans pour arriver dans nos librairies en 1991, aux Belles-lettres[1]. Il faudra cinq ans de plus pour un retour en grâce temporaire avec « Red le démon » chez Bourgois. A part une autre traduction en 1999 chez l’excellente mais discrète maison Cent pages, ce n’est que dix ans plus tard que Sorrentino revient au premier plan, chez Actes Sud cette fois-ci, avec l’aide de DeLillo. On croyait la machine lancée. Las !, deux mois après la parution de « Petit casino », son auteur disparaissait. Mais Hoepffner ne rend pas les armes et, entre deux éditeurs, continue à prévoir la publication d’un des corpus les plus importants de la littérature expérimentale US du siècle passé.

« Grandma smiles her malevolent smile displaying both her gold tooth and her brownish-black tooth. She wonders, again, if someone might go down to the cellar storage bin and get her something.
She wants something.
Perhaps a hot-water bottle.
An ice bag. A moth-eaten blanket. A chipped egg cup. Something personal, some treasure, something to bring back memories of her innocent childhood, her winsome first days as a new bride. God knows, they didn’t last long.
At the thought of the hot-water bottle, the ice bag, Red brightens internally, secretly, for such need may possibly signal pain somewhere in Grandma’s body. He takes care to show nothing in his flat, brutal face. Pain that might foreshadow, perhaps, death itself, although Red does not even think this word. »

Ainsi commence « Red the fiend », odyssée brutale et cruelle dans une maison dominée par la figure tyrannique de grand-mère. Grand-père, dominé, ne dit rien. Mère, sans travail, divorcée d’un mari alcoolique, ne peut rien dire puisqu’elle vit ici, elle et son bon à rien de fils, de la charité de ses parents. Red subit les colères d’une grand-mère frustrée par une vie médiocre ainsi que les coups de ses condisciples. C’est comme ça que va naître un monstre, un démon.

On a dit que Grandma était une des personnages les plus détestables et les plus maléfiques de la littérature américaine. C’est sans aucun doute vrai. Sorrentino rassemble en elle tous les clichés et les préjugés des plus intolérants des irlando-américains – dont la haine incroyable contre l’autre (Italien, Allemand, Juif…) est une des caractéristiques les plus violentes – auxquels il ajoute une attitude superstitieuse particulièrement étrange et personnelle. Cette véritable haine intérieure ressort à la fois sous la forme d’insultes et d’imprécations odieuses mais aussi d’ahurissants passages à l’acte physique. Mémé est une sadique à la recherche du moindre prétexte pour rosser Red ou pour l’empoisonner de plats douteux et d’aliments pourris. Red, devant ce torrent d’agression de toutes formes et cette carence d’émotions autres que la peur, le dégout et la douleur, développe petit à petit une attitude de confrontation avec grandma dans laquelle il trouve une certaine forme de jouissance et, à l’extérieur, se met lentement à dériver vers ce qui ne pourra qu’aboutir à une sorte de bête asociale, prête à tout pour combler ses désirs du moment.

On l’aura compris, c’est un livre dur, violent et sombre. Et ça n’arrête pas. Jusqu’à la fin, qui laisse d’ailleurs entrevoir un après d’une violence encore plus grande, le bombardement est continu. Paradoxalement, c’est sans doute dans cette noirceur sans espoir que Toby Olson aura trouvé un aspect comique : il est vrai que l’espèce de jubilation évidente ressentie par grandma lorsqu’elle planifie ses pires coups ou les aspects définitivement pervers des contre-plans progressivement mis-en-place par Red poussent le lecteur tellement loin de ce qu’il considère normal qu’il ne peut s’empêcher de ricaner, si ce n’est de franchement rire. C’est d’ailleurs cette exagération dans l’horreur qui signale clairement que « Red the fiend », contrairement aux apparences, n’est pas un livre réaliste – ce qui aurait surpris de la part de Sorrentino. Au-delà de leur méchanceté et de leur brutalité, il n’y a, ni chez grandma, ni chez Red, d’autre émotion. Ils ne sont que ça. Ils sont, en quelques sortes, des clichés sur patte poussés à leur extrémité. Et le talent de Sorrentino, génial explorateur du cliché, c’est de parvenir à faire sortir de ce « too much » vérité et compassion, de faire sentir instantanément au lecteur le côté humain du livre.

Ce livre pourrait être impossible à lire – la méchanceté pure réussit rarement aux lecteurs – s’il n’y avait, bien sûr, le miracle de l’écriture de Sorrentino. Comme toujours, il travaille énormément sur des schémas répétitifs – tels que des séquences insensées de questions / réponses ou les innombrables et extrêmement réussies listes – ainsi que sur les procédés littéraires, dont le livre prend par moment l’aspect d’encyclopédie illustrée et jouissive. On le sent dès le premier paragraphe : il y a un rythme fabuleux qui nous projette sur une vague de phrases précises mais presque lyriques dont aucune ne semble ne pas avoir ou ne pas être à sa place. Et la phrase sorrentinienne est une bizarrerie : contrairement à celle d’un Selby, dont la thématique de « Red the fiend » est proche, qui se laisse trop souvent aller à une rudesse simple qui ferait écho à la brutalité du contenu, Sorrentino arrive non seulement à tirer profit de cette brutalité mais aussi à intégrer les motifs de la vulgaire langue verbale des personnages ainsi que son rythme à une composition littéraire cristalline, superbe, belle malgré la laideur de l’environnement, mais qui pourtant ne parait jamais trop jolie pour ce qu’elle représente. Dans « Red the fiend », chaque passage est épiphanie stylistique, peut se lire à voir haute et, à l’enregistrement, se transformer en une musique pour laquelle il ne faudra pas parler de couleur mais bien d’odeur, d’une étrange odeur de sueur qui aurait le même effet que la plus belle des eaux de Cologne.

Si on peut comprendre que l’énorme « Salmigondis / Mulligan Stew » n’est pas de ces romans qui décrochent la timbale, qu’elle soit publique ou même critique – lors de sa publication française l’an passé, on notait une certain embarras dans les rédactions, ne sachant trop comment en parler --, on se pose quand même plus de questions quant à « Red le démon ». Lors de sa sortie américaine en 1995, d’aucun prétendirent qu’il s’agissait du plus lisible des romans de Sorrentino et, si ce n’était le fait que de considérer les autres romans comme illisibles n’est pas juste, on serait tenté d’être d’accord. Pourtant, il semblerait que le livre fut un échec commercial puisque Bourgois ne publia pas d’autres traductions et a abandonné les droits sur ce texte qui sera republié en 2009 par Cent pages. On espère que ce sera l’occasion pour ce superbe roman d’enfin rencontrer son public.

Gilbert Sorrentino, Red the Fiend, Dalkey Archive, $12.95


[1] trad. P.Mikriammos, la seule à ne pas être d’Hoepffner

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Plus qu'une révolution

Lorsque j’ai appris que Tristram allait publier une traduction de « Décentrer la terre », l’essai de William T. Vollmann sur Copernic, j’ai été assez surpris. Pourquoi celui-là alors qu’il reste un paquet d’autres titres à traduire ? En fin de compte je m’en réjouis : même si ce n’est pas le livre le plus passionnant de l’auteur, même s’il n’a aucune chance de vendre des milliers d’exemplaires, Tristram ajoute ici à son catalogue un titre qui développe une sorte d’autopsie intellectuelle de Vollmann : c’est sur lui qu’on apprend, plus que sur son sujet d’étude.

« Décentrer la terre » est un travail de commande réalisé dans le cadre de la collection Great Discoveries de Norton : l’idée est de demander à des écrivains sans expertise particulière d’écrire un livre sur une invention ou une découverte majeure ainsi que sur l’homme ou la femme qui se cache derrière. Théoriquement, cette approche devrait donner des livres accessibles au commun des mortels permettant de comprendre les travaux discutés et en situer leur importance dans l’histoire scientifique. Concrètement, lorsque les critiques de ses volumes sont écrites par des experts des domaines en question, les réactions négatives pleuvent : imprécision, superficialité voire même contresens en seraient les tares. N’ayant de la théorie copernicienne qu’une connaissance limitée, je ne saurais me prononcer sur ces points. Tout ce que je puis dire, c’est que j’ai appris des choses.

Vollmann s’attache à présenter et resituer historiquement les travaux de l’homme qui a placé le soleil au centre de l’Univers. Depuis sa mort au 16eme siècle, l’œuvre copernicienne a été corrigée, amendée, parfois réfutée. Les traités astronomiques de Ptolémée, celui que Copernic aurait relégué aux oubliettes, n’étaient pas tellement faux. Les deux hommes auraient d’ailleurs été bien plus proches qu’on le croit souvent. La question se pose d’ailleurs : le chanoine Nicolas Copernic, à travers ses recherches, a-t-il créé un nouvel univers ou voulait-il sauver l’ancien ? L’auteur note d’ailleurs que cette question est difficilement comprise à une époque où on rigolerait d’une phrase comme « qu’est-ce qui pourrait être plus beau que les cieux qui contiennent de si magnifiques choses ? » qui ouvre pourtant « De Revolutionibus », le fameux traité : le monde ancien était fait d’harmonies perdues avec le passage à l’héliocentrisme. Ce que l’on prend souvent, chez Copernic, comme des précautions oratoires pour éviter les foudres de l’Eglise pourraient donc bien être en fait quelque chose de profondément ressenti.

Mais alors, pourquoi nous parler de ce révolutionnaire pas si révolutionnaire que ça ? Parce que, quoi qu’il en soit de ses motivations et de ses erreurs, Copernic est un homme qui a mis fin à un monopole de quatorze siècles. « Ce qui me touche le plus, c’est le combat d’un esprit humain se libérant d’un système faux » écrit Vollmann, et c’est à partir de cette phrase que tout s’éclaire : comme la plupart de ses livres, « Décentrer la terre » insiste sur ce que la liberté d’un individu peut faire. Se libérer d’un dogme, c’est difficile, mais c’est possible. Et si on ne peut demander à tous de le faire – comme on ne pouvait demander à tous d’être héroïque pendant une guerre- il faut au moins savoir célébrer comme il se doit la vie de celui qui y parvient. Ce n’est d’ailleurs pas seulement d’un dogme scientifique que Copernic a réussi à se libérer : il a dû prouver que l’héliocentrisme était une théorie bien plus simple pour comprendre les phénomènes célestes alors même que le sens commun imposait de la rejeter et que les outils lui permettant de la prouver n’avaient pas toujours été découverts.

Copernic a écrit son traité en étant en possession de données partielles et a évoqué des raisons complètement fausses pour expliquer certains phénomènes. Ceci étant, il était pourtant dans le vrai. Un peu comme Edgar Allan Poe dans « Eurêka », travail certes beaucoup plus littéraire que scientifique écrit sur base d’une méthode intuitive, où il compte résoudre les mystères de l’Univers spirituel et matériel et s’approche déjà des concepts alors inconnus du big bang, des trous noirs et une première explication plausible du paradoxe d’Olbers. C’est là le deuxième point qui fascine Vollmann : la possibilité de toucher au vrai à travers des fulgurances poétiques (ou quasi-poétiques dans le cas de Copernic) pourtant basées sur des prémisses non vérifiées. N’est-ce pas ce qu’il a lui-même tenté de faire sur la nature humaine dans « La famille royale » ainsi que dans de nombreuses scènes de « Central Europe » et « Fathers and Crows » ?

Vollmann a écrit pour Tristram une postface à la réédition de « Eurêka » dans la traduction de Baudelaire. C’est un texte très beau et très personnel qui referme une œuvre que Poe considérait comme sa plus belle, mais qui me semble assez aride même si elle est également fascinante. La publication simultanée de ce livre et de « Décentrer la terre » fait sens, surtout en nous permettant de cerner un peu plus précisément les deux moteurs de l’œuvre vollmanienne : liberté et puissance prophétique du poétique.

William T. Vollmann, Décentrer la terre, Tristram, 23€
Edgar Allan Poe, Eurêka, Tristram, 17€

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Etrange mélange

28 ans après sa parution aux Etats-Unis, « Mulligan Stew/Salmigondis » paraît en français chez Cent pages. Cette publication du roman qui domine l’œuvre de Gilbert Sorrentino et qui reste une pièce maîtresse de la littérature US du siècle passé est l’occasion parfaite pour les lecteurs francophones d’enfin vraiment découvrir un auteur par trop ignoré.

Sorrentino est décédé l’an passé à l’âge de 77 ans, mettant ainsi un terme à une carrière riche de 19 romans (20 en comptant le dernier à paraître) et 10 recueils de poésie. Seuls cinq de ces titres sont disponibles dans notre langue et ils se vendent à peine. Aux Etats-Unis, la plupart des livres parurent dans des petites maisons, son travail restant ignoré du grand public. Pour se consoler, on se dira qu’il est parfois mieux d’être bien lu que beaucoup lu : le défenseur numéro un de Sorrentino n’est autre que Don DeLillo.

Qu’est donc ce fameux « Mulligan Stew/Salmigondis » ? Comme le dit Bernad Hoepffner, son traducteur, il s’agit de « la plus extrême caricature de ce que l’on appelait la littérature “postmoderne”: dans un certain sens, il part du premier livre appartenant à cette “école”, « At Swim-Two-Birds » de Flann O’Brien, et en écrit le point final magistral, car ce roman n’est fait que de ce que l’on considère normalement comme du paratexte ». On ne saurait mieux dire. On a sous les yeux un petit animal de laboratoire nommé Anthony Lamont qui tente, tant bien que mal, d’écrire un nouveau roman expérimental. Sans gloire ni fortune, déjà âgé, l’homme s’avère piètre écrivain. Le lecteur, bête omnisciente, peut fureter à l’aise dans son roman « in progress », dans sa correspondance avec sa sœur ou un prof envisageant de parler de lui dans un cours sur la littérature expérimentale, ainsi que dans ses notes de travail. Il apprendra aussi avec stupéfaction que les personnages de Lamont, lui-même piqué chez O’Brien, ont été empruntés à Joyce et Hammett, et que, ayant pris goût à la bonne lecture, ils sont en pleine rébellion contre les outrages que la prose pataude et le cerveau passablement dérangé de l’auteur leurs font subir.

Il n’y a, de fait, pas vraiment de roman dans ce roman rempli de romans : c’est un assemblage de ce qui fait l’univers d’un écrivain, au lecteur de remettre les pièces en place s’il veut se faire un portrait de Lamont. D’ailleurs, on ne lit pas Sorrentino dans ce livre, on lit Lamont. Le tour de force aura donc été pour l’écrivain de se transformer en ce confrère imaginaire, transformant son style et se mettant à écrire d’une plume souvent lamentable. Oui, « Mulligan Stew/Salmigondis » est, d'une certaine façon, pitoyablement écrit, mais cette faiblesse impressionne : vous avez dit mauvais poème ? Mauvaise prose expérimentale ? Mauvais roman cowboy ? Mauvaise épopée en vieux français ? Sorrentino vous les fournit plus vrai que nature. Une oreille d’une finesse incroyable lui permet de restituer à peu près n’importe quel discours ou écrit stéréotypé. Ainsi, paradoxalement, de cet amoncellement de merde se dégage une superbe pépite textuelle.

Certains se demanderont donc à quoi bon lire un tel livre. Autant se demander à quoi bon lire une satire… Impossible en effet de ne pas sourire à ce qui est épingler : les mauvais écrivains, les prétentieux, les professeurs, les éditeurs, la relation au sexe. Sorrentino, contrairement à ce que l’on pourrait penser, n’est pas gratuitement méchant : il est férocement pertinent puisqu’il dépeint avec grande justesse le milieu culturel non seulement de son époque, mais aussi de la nôtre, ainsi que, plus que probablement, de celle de Flaubert, tant ces particularités semblent être une constante.

Finalement, « Mulligan Stew/Salmigondis » peut sans doute être considéré comme une sorte de réponse littéraire où Sorrentino se gausse d’un milieu qui ne sait trop comment le considérer, mais surtout comme une formidable démonstration aux ennemis de la littérature un tant soit peu exigeante de la force créatrice d’un véritable écrivain. Non, Sorrentino n’est pas Lamont : là où son personnage est sans doute en train de fournir une ultime tentative de roman, basculant dans la folie paranoïaque à mesure que son sujet lui échappe, lui écrit « Mulligan Stew/Salmigondis ». La différence ne se situe pas entre l’expérimental et le « mainstream », mais entre l’originalité et le cliché, entre celui qui écrit vraiment et celui qui prétend le faire.

Un dernier mot sur l’édition française : non seulement le texte est admirablement bien traduit, mais en plus le travail effectué par Cent pages sur la présentation est superbe : papier bible, jeu typographique, illustrations… Infiniment supérieur à ma copie Grove Press de 1987. Vraiment dommage que ce livre ait plus de difficultés à vivre médiatiquement que « Le tunnel » de Gass. Raison de plus pour moi de donner un modeste coup de projecteur et pour vous de soutenir un éditeur et un traducteur courageux…

Gilbert Sorrentino, Mulligan Stew/Salmigondis, Cent pages, 30€

Petit rappel : Bernard Hoeppfner nous présentait « Mulligan Stew/Salmigondis » et Sorrentino dans un entretien publié il y a trois semaines.

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Découvrir Sorrentino - entretien avec Bernard Hoepffner

Obnubilé que je suis par la traduction française du « Tunnel » de William Gass, je n’avais pas une seule fois mentionné ici l’autre évènement majeur de ce début 2007 en matière de littérature US : la publication aux Editions Cent Pages du « Mulligan Stew » de Gilbert Sorrentino sous le titre « Salmigondis ». Ayant contacté il y a peu Bernard Hoepffner, son traducteur, pour une toute autre raison, je me suis dit que je tenais là une bonne occasion de rattraper mon erreur. Vous trouverez donc ci-dessous un entretien « introductif » avec Hoepffner. Un papier sur le livre suivra dans les deux semaines qui viennent. Saluons déjà le remarquable travail de Cent Pages sur cette publication : « Salmigondis » est un objet superbe, du papier bible à la typographie en passant par les illustrations.

Qui était Sorrentino? Pourriez-vous brièvement présenter l’écrivain, son importance, ainsi que la rencontre qu’a été pour vous l’homme et ses textes?

J’ai découvert Gilbert Sorrentino un très beau jour de 1980, en prenant au hasard (?) un livre publié par Picador sur une tour Martello de livres dans un aéroport; il s’agissait justement de « Mulligan Stew »; ce livre m’a introduit à la littérature américaine contemporaine — disons d’une partie de cette littérature, les Gaddis, Gass, Coover, Davenport, Elkin, Goyen, Toby Olson, Coleman Dowell, etc. Sorrentino, décédé l’année dernière, est l’auteur de plus d’une douzaine de romans, d’un recueil d’essais et d’une quinzaine de recueils de poésie. L’homme, je ne l’ai jamais rencontré, nous avons longtemps correspondu mais il s’est toujours débrouillé pour que nous ne rencontrions pas — je ne saurais jamais si c’était volontaire ou pas. Le faire connaître en France a été l’une des raisons pour lesquelles je me suis lancé dans la traduction, cinq livres de lui traduit à ce jour (« Red le Démon », « Steelwork », « Petit Casino », « Mulligan Stew/Salmigondis », et son recueil de nouvelles, « La Lune dans son envol », qui sortira en septembre, deux autres paraîtront en 2008, « Aberration of Starlight » et « Gold Fools »).
Peu d’écrivains ont autant mis l’accent sur le refus d’écrire des histoires réalistes, avec une intrigue “minutieusement composée, intéressante, pleine de suspense”, des personnages “plausibles, plein de substance et de motivation”, un décor “qui vous rappelle quelque chose”, au contraire, il insiste sur le fait qu’il n’y a là que de l’encre sur du papier, que sa création est pure imagination; et pourtant le Brooklyn de ses livres, les personnages qui s’y trouvent sont d’une humanité étincelante — qu’il s’agisse de gens ordinaires, pauvres et sans espoir, ou du monde artificiel des arts (qu’il ne cesse de fustiger). Son oreille exceptionnelle lui permet de jouer de la langue anglaise comme d’un instrument, de la tordre, de la déformer, tout en restant constamment d’une grande lisibilité. Même lorsqu’il caricature un mauvais écrivain, son style est incomparable. Le tout est un mélange de noirceur extrême et d’humour, de dérision et d’humanisme dans lequel le lecteur pénètre pour ne plus en ressortir.

Gilbert Sorrentino est un écrivain dont l’œuvre a une importance considérable. Pourtant, le New York Times par exemple s’est à peine fait écho de son décès l’an passé. En France, pratiquement personne ne le connaît hors des cercles américanistes, alors que l’œuvre de Coover a été presque entièrement traduite par une grosse maison. Comment expliquer ça?

Il est difficile d’expliquer tout cela sans faire un historique de la situation de la littérature aux Etats-Unis et en France, ce que je me garderai bien de faire; il suffit de dire que tous les écrivains mentionnés plus haut, même s’ils sont “connus”, sont peu lus et ont souvent du mal à se faire publier, même aux Etats-Unis, le Seuil ne vend pas beaucoup plus de Coover que Cent Pages et Actes Sud ne vendent de Sorrentino. Toute l’œuvre de Sorrentino est disponible aux US, grâce à Dalkey Archive, à Green Integer et à Coffee House Press. Cette littérature est connotée “difficile” — peu importe que j’aie plus de mal à lire le Dauphiné Libéré qu’un roman de ce type. « Mulligan Stew » a été refusé par une trentaine d’éditeurs américains avant d’être publié, j’ignore si Actes Sud aurait accepté de le publier en France si Don DeLillo ne leur avait dit qu’il était son maître. Ici, il faut se battre contre une vision de la littérature américaine qui considère l’école du Montana comme représentative. Mais petit à petit, nous parvenons à l’introduire. Sans oublier que Marie-Christine Agosto vient de publier, aux Presses Universitaires de Rennes, le premier livre sur Sorrentino.

« Mulligan Stew » est peut-être le livre le plus connu de Sorrentino, quelle place occupe-t-il dans son œuvre et dans la littérature américaine? En quoi peut-il être considéré comme “typiquement” Sorrentino et / ou radicalement autre?

Il est certainement son livre le plus connu, il a eu droit à sept éditions aux Etats-Unis. C’est son livre central, comme on pourrait le dire du « Tunnel » de Gass ou de « La Femme de John » de Coover. Il en a fait la plus extrême caricature de ce que l’on appelait la littérature “postmoderne”: dans un certain sens, il part du premier livre appartenant à cette “école”, « At Swim-Two-Birds » de Flann O’Brien, et en écrit le point final magistral, car ce roman n’est fait que de ce que l’on considère normalement comme du paratexte.

Comme Markson pour « Wittgenstein’s Mistress », Sorrentino a essuyé refus sur refus pour le manuscrit de « Mulligan Stew » alors que les éditeurs en faisaient toujours des commentaires élogieux. Avez-vous eu des difficultés pour trouver une maison française à « Salmigondis »?

Les commentaires étaient élogieux, mais les éditeurs veulent des livres qui se vendent à plus de dix mille exemplaires (en tout cas, qui ont une chance de le faire, et ceci dans les trois mois qui suivent la publication), ils savaient que ce ne serait le cas ni pour « Mulligan Stew », ni pour « Wittgenstein’s Mistress ». En France, on trouve cette même différence entre l’édition qui cherche à gagner de l’argent et celle qui préfère ne pas en perdre; cette littérature ne rendra jamais quelqu’un millionnaire, mais il n’y a aucune raison qu’elle ne trouve pas ses lecteurs, qui existent, même s’ils ne se comptent pas en dizaines de milliers. Depuis longtemps, Olivier Gadet, des éditions Cent Pages, aime Sorrentino et accepte de le publier en traduction. Avec lui et avec Actes Sud, nous espérons parvenir à le faire connaître en France.

Et en terme de traduction ce livre représentait-il un défi particulier?

Celle-ci a été à la fois une des plus difficiles et une des plus grisantes — grisante parce que c’est un des plus beaux roman que je connaisse, parce que chaque journée m’apportait ses épiphanies de découvertes, parce qu’il m’obligeait à creuser entre les langues, à déformer la langue française un peu comme l’a fait Sorrentino, difficile parce chaque section est écrite dans un style différent, le plus souvent parodique, depuis le vieux français, jusqu’à la mauvaise poésie érotique et au polar mal écrit, en passant par les listes interminables, une pièce de théâtre ou un western irlandais, le tout toujours au deuxième ou au troisième degré, sans oublier les références constantes et précautionneusement dissimulées à la littérature et à la culture américaine.

Pourquoi, près de 30 ans après sa publication US, faut-il lire « Salmigondis » aujourd’hui? En quoi le texte est toujours aussi pertinent au 21eme siècle?

Comme tous les bons livres, « Mulligan Stew/Salmigondis », peut être lu à n’importe quelle époque. Sorrentino aurait répondu que ce qu’il caricature dans le livre était déjà à caricaturer il y a quatre ou vingt siècles, et que malheureusement la caricature restera valable dans quatre ou vingt siècles. S’il “faut” le lire aujourd’hui, c’est parce qu’il existe enfin en français, parce que c’est un très bon livre, parce qu’il est désopilant, parce que, malgré le côté déroutant de ce livre qui semble partir dans tous les sens, le lecteur qui s’y plonge se rend vite compte à quel point tout se tient et à quel point il mérite lecture après lecture. Également parce que cette édition est la plus belle qui ait jamais été faite de ce roman, typographiquement, elle est le reflet parfait de la façon dont il est écrit et, comme me l’a écrit Don DeLillo, “Gil aurait été fier de le tenir dans ses mains”.

Qui sont, selon vous, les héritiers littéraires de Sorrentino aujourd’hui?

Peu d’écrivains se réclament directement de lui, aux Etats-Unis, Don DeLillo et Curtis White, en Espagne, Julian Rios, mais je pense qu’il y en a beaucoup d’autres — je suis heureusement surpris de voir que, en France comme aux US, des lecteurs jeunes s’y intéressent de près et le découvrent avec enthousiasme.

Gilbert Sorrentino, Mulligan Stew/Salmigondis, Cent pages, 30€

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