Affichage des articles dont le libellé est Central Europe. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Central Europe. Afficher tous les articles

Guillaume Médicis

Je me jurais de ne parler d'aucun prix français, mais voilà que la première sélection pour le Médicis étranger 2007, une des rares récompenses de la saison dont la liste des vainqueurs ne fait pas trop mal au crâne, est publiée. On y retrouve William T. Vollmann, pour "Central Europe", dont je vous ai déjà trop parlé. Je suis assez heureux de voir aussi un titre des Allusifs - "Cochon d'allemand" de Knud Romer - sur cette liste, excellente petite maison qui mériterait un coup de pouce médiatique. Le vainqueur, celui qui aura terrassé les volumes adverses, sera annoncé le 12 novembre à l'hôtel Crillon. Pas certain que les bas-fonds vollmaniens se sente à l'aise place de la Concorde.
(Si, en catégorie sifflard-camembert, Volodine gagne, pas certain non plus de fermer ma gueule.)

7 commentaires  

L'homme libre - entretien avec William T. Vollmann (2)

Pourquoi avoir choisi Chostakovitch comme personnage central ?

D’une certaine façon, sa musique représente la guerre: c’est souvent violent, tourmenté et triste. C’était quelqu’un d’intelligent, de très conscient de ce qu’il faisait, et il était, lui aussi, parfois héroïque ou représenté comme tel. La diffusion de la Septième Symphonie à Léningrad a été quelque chose de très dramatique qui a ému énormément de monde. Bien sûr, plus j’en apprenais à son sujet, plus je m’en rendais compte de la complexité du personnage. J’ai beaucoup aimé apprendre à le connaître, et certaines de ses faiblesses sont des faiblesses que j’imagine très bien avoir dans pareille situation. Il aimait faire plaisir aux gens et moi aussi, donc je sais que si on me met une forte pression, si j’ai peur et si j’ai faim, il est possible que je fasse quelque chose qui va à l’encontre de mes convictions. C’est sans doute le cas de beaucoup d’entre nous.

Vous accordez beaucoup de place à un triangle amoureux entre Chostakovitch, Karmen et Helen Konstantinovskaia, qui est en grande partie fictionnel. Pourquoi ?

Chostakovitch a vraiment eu une aventure avec Helena qui s’est ensuite mariée avec Roman Karmen. Chostakovitch et Karmen ont également travaillé sur des projets communs en diverses occasions. L’un a par exemple composé la musique d’un film que l’autre a tourné. Le monde des journalistes est petit, je suis certain que vous connaissez plein de journalistes. Je pense qu’on peut dire la même chose de Moscou et qu’ils se connaissaient sûrement. Je n’ai donc pas tout inventé. Je trouvais intéressant de créer une opposition entre les deux hommes, de façon à ce que les choses restent ambiguës, que l’on ne puisse pas dire que j’en avais dépeint un de manière plus positive que l’autre : que celui que vous préférez soit une question de sensibilités personnelles. J’ai l’impression qu’aussi bien Karmen que Chostakovitch étaient des hommes fondamentalement bons, qui prenaient des risques et faisaient ce en quoi ils croyaient. J’ai imaginé une Helena très amoureuse de Chostakovitch et bien moins de Roman Karmen. Tout ça vient bien sûr de mon imagination.

Personne n’a mal réagi envers ces libertés que vous prenez avec leur vie?

Jusqu’ici, non. Si le livre est publié en Russie, il est possible que des gens qui les connaissaient trouvent ça choquant. J’espère que non, parce que je n’ai pas voulu manquer de respect à la mémoire de quiconque. Ce que j’ai fait, je l’ai fait pour des motifs artistiques et je ne pense pas avoir fait un portrait négatif de ces trois personnes.

En ce qui concerne l’Allemagne nazie, vous avez décidé de ne pas l’évoquer comme le mal à l’état pur.

Je me suis dit en écrivant les chapitres nazis qu’il fallait procédé par de légères litotes. Nous connaissons tous l’holocauste, nous n’avons pas à écraser le lecteur avec les détails, il suffit de faire un rappel et ils comprendront l’idée. Et puisque je ne pense pas que tous les allemands et tous les russes étaient mauvais, il suffit des les mettre dans l’ombre (du régime – ndlr), qui en soit est déjà extrêmement mauvaise. Un ami de mon père a lu le chapitre sur Paulus et a pensé que j’étais beaucoup trop gentil avec lui. Je ne pense pas que Paulus était particulièrement mauvais. Il l’est en tout cas moins que les laquais comme Todt, si empressés à collaborer aux atrocités. Je vois Paulus comme quelqu’un de pas incroyablement intelligent, très ambitieux, mais dont les opinions n’étaient pas vraiment différentes de ce qu’elles auraient été s’il avait été soldat du Kaiser. L’Etat-nation a créé une classe de soldats qui ne peut pas prendre ses propres décisions par peur qu’elle se mêle de politique ou renverse le gouvernement. Si telle est la formule, alors il me semble que l’Etat est responsable de ce qu’il fait faire aux soldats. Il n’est pas facile pour eux de refuser les ordres. Il est possible de dire non, mais très rarement, à grand coût et sans que ça change vraiment les choses.

En filigrane de « Central Europe », il y a le libre-arbitre, qui n’est pas tout puissant et ce que les circonstances politiques peuvent en faire.

C’est très important pour moi. J’ai beaucoup écrit là-dessus dans « Rising up and rising down ».

Certains disent que le libre-arbitre est une fiction.

Il se peut que les gens ne sachent rien faire de façon objective, mais le libre-arbitre est toujours là. Même si l’univers est prédéterminé, le libre-arbitre existe parce que tant que nous ne pouvons savoir – et nous ne le pourrons jamais- que tout est déterminé, nous avons le droit et l’obligation de faire des choix, quelle qu’en soit l’efficacité ou l’inefficacité, comme le fit Gerstein, Chostakovicth et tous ces gens dont je parle.

William T. Vollmann, Central Europe, Actes Sud, €29.80
-------------------------
Suivez la Semaine Vollmann de Tabula Rasa: 3 critiques et entretien en 4 parties du lundi 03 au dimanche 09.

0 commentaires  

L'homme libre - entretien avec William T. Vollmann (1)

Juin 2007, tournée de presse parisienne pour William T. Vollmann. Fausto lui tombe dessus à l'improviste: un léger problème de planning m'avait collé une tranche horaire deux jours plus tard, alors que je devais déjà être à Bruxelles. On m'a donc changé d'heure et de jour, mais l'homme au t-shirt jaune canari très près du corps n'a pas été prévenu. Qu'à cela ne tienne, il se montre sympathique et le bazar roule tout seul. En voici la transcription (très peu éditée, je suis paresseux).

Vous revenez de Sarajevo, avez-vous eu l’occasion de revoir des gens avec qui vous étiez pendant la guerre ? Comment est la ville par rapport à cette époque ?

C’était ma première fois à Sarajevo depuis 1992. Ca va mieux, mais c’est plus lent que ce que j’espérais. Il y a toujours énormément d’impacts de balle, la ville reste très pauvre mais c’est bien sûr mieux que la dernière fois. Malheureusement, j’y étais pour un festival littéraire et j’étais fort occupé. Un jour, je me suis quand même échappé pour me promener, j’ai rencontré des gens très bien mais c’était impossible de rentrer en contact avec les gens que j’ai connus durant la guerre.

Puisqu’on parle de Sarajevo, je voudrais évoquer Danilo Kis, l’écrivain yougoslave. « Central Europe » doit beaucoup, pour sa structure par exemple, à « Un tombeau pour Boris Davidovich ». Vous dédiez d’ailleurs votre livre à Kis.

Il m’a énormémentt appris. J’aurais vraiment aimé rencontrer ce grand écrivain. « Un tombeau pour Boris Davidovich » est un livre dont la lecture a été très importante. J’étais un jeune américain habitant dans le Midwest, je ne savais pas ce que pouvait être la souffrance sous un mauvais régime. En quelque sorte, les livres de Kis énoncent poétiquement ce que Milosz explique dans « La pensée captive » à propos de la différence entre la pensée occidentale et celle de quelqu’un vivant dans le bloc de l’est. D’après lui, les esprits occidentaux sont innocents et, d’une certaine façon, très superficiels, alors que la pensée captive du bloc de l’est est celle d’un esprit plus craintif qui doit être très sensible à de nouvelles réponses et aux non-dits, être plus conscient de l’histoire et doit savoir décoder ce qui se passe afin d’assurer sa propre survie. J’ai la chance de ne pas avoir grandi là-bas, mais il est intéressant de penser aux talents qu’une personne perd et gagne selon l’endroit où elle vit et ce qu’elle fait.

Vous avez beaucoup voyagé dans la région, y avez-vous constaté ces deux pensées ?

On peut les voir dans différents endroits. Je l’ai vu dans l’Afghanistan des talibans, à Belgrade pendant la guerre civile, j’en ai vu des vestiges en Russie, mais je n’ai jamais vécu la situation précise que Milosz décrit.

Il ne doit pas être facile de s’adapter à ce type de situation.

J’étais en Yougoslavie juste après la mort de Tito, et les gens avaient peur d’une éventuelle invasion soviétique. Les jours étaient gris, les vêtements étaient gris, il y avait peu de nourriture, les gens étaient amicaux mais restaient sur leurs gardes. C’est comme ça dans ces endroits là.

Parlons maintenant de « Central Europe ». Une différence importante entre votre livre et celui de Kis, c’est que vos narrateurs sont du mauvais côté de la barrière : un nazi et un agent soviétique. Ca doit être assez difficile d’écrire à travers ce genre de personnages.

J’essaie de toujours me souvenir que les gens ne décident pas leur lieu de naissance ni les gouvernements qu’ils ont. Aux Etats-Unis, il y a un proverbe qui dit « les gens ont le gouvernement qu’ils méritent ». Je ne pense pas que cela soit vrai. Tout le monde doit faire des choix moraux en permanence, et tout le monde a des obligations, même s’ils ont très peu de liberté. Si vous vous rappelez que quelqu’un né en 1915 a mis l’uniforme nazi et a dû se battre contre la Russie dans une guerre injuste, cela n’en fait un homme mauvais. Il a pris part à quelque chose de très, très mauvais mais on peut peut-être dire qu’il était impuissant, et alors tout est une question de savoir à quel point il a fait le mal, à quel point il a fait le bien. Si vous y pensez de cette façon, je crois qu’il est possible de respecter l’humanité de ces gens.

Beaucoup d’écrivains auraient sans doute choisi de se contenter de raconter à travers les témoignages de victimes.

C’est très facile de penser que les victimes sont des saints, alors que dans la majorité des cas, les gens ne sont ni meilleurs ni pires que les autres. En ce qui concerne les auteurs des crimes, tout dépend de votre façon de définir le concept. Ils sont souvent pires parce qu’ils ont pris une décision consciente d’agir, mais ce n’est pas toujours ainsi et il devient très compliqué de statuer sur leur cas. Prenez Kurt Gerstein : pour moi le type était héroïque.

Justement, ce n’est pas un livre sur des héros, et pourtant il y a Gerstein qui a essayé de faire quelque chose. Il est assez différent de vos autres personnages.

Je suis certain que pas mal de personnages de mon livre pensaient – ou alors d’autres le leur disaient- qu’ils faisaient ou essayaient de faire quelque chose d’héroïque. Par exemple, Roman Karmen était très courageux. Les films qu’il a tourné au siège de Léningrad et à Stalingard étaient incroyables, et il a continué a en faire toujours plus : il a été en Indochine, à Cuba. Sa passion était de montrer le côté auquel il croyait. La plupart de ce à quoi il croyait a été discrédité, peu de gens pensent encore que Staline était quelqu’un de bien, alors que je suis certain que Karmen pensait qu’il était génial. Il était probablement très fier de lui-même. C’est d’ailleurs intéressant de penser à ça et de se dire que quelqu’un comme Gerstein, qui prenait des risques encore plus gros que Karmen en essayant de faire quelque chose qui ne lui apporterait aucune récompense matérielle, se jugeait probablement très négativement, et que les autres le jugeaient défavorablement. Kollwitz était héroique, d’une certaine façon. Elle essayait vraiment de défendre le point de vue du retraité, du pauvre, du violé, du brisé et le fait qu’elle a été utilisée par l’Union Soviétique ne veut pas dire qu’elle n’a pas fait de son mieux, qu’elle n’a pas souffert ou qu’elle n’a pas réussi dans son travail. J’ai vu ses oeuvres quand j’étais adolescent, et ça a eu un impact. Je dirais donc qu’il y a bien une continuité dans mes portraits.

William T. Vollmann, Central Europe, Actes Sud, €29.80
-------------------------
Suivez la Semaine Vollmann de Tabula Rasa: 3 critiques et entretien en 4 parties du lundi 03 au dimanche 09.

2 commentaires  

Symphonie pour le libre-arbitre

En 1976, Danilo Kis publie « Un tombeau pour Boris Davidovich », l’un des meilleurs livres sur le totalitarisme soviétique, une histoire en 7 chapitres, suite de portraits s’emboîtant afin de donner une vision kaléidoscopique de la bête. Pratiquement trente ans plus tard, visiblement toujours sous le coup de sa lecture, William T. Vollmann renouvelle la technique pour s’attaquer à l’URSS et à l’Allemagne nazie.

« Central Europe », sans l’ombre d’un doute le plus accompli des romans de Vollmann, est une suite interconnectée d’histoires, de portraits plus ou moins fictionnalisés d’individus réels, allemands et russes vivant dans des conditions alimentaires, sécuritaires et idéologiques extrêmes. Ne donnant ni dans la condamnation morale ni dans l’exhibitionnisme ordurier des perversions politiques du vingtième siècle, ce livre peint le retable assez fascinant des situations moralement impossibles dans lesquelles les individus sont placés sous les régimes totalitaires, et des façons dont l’humain réagit, sa capacité à se créer un peu d’espace pour respirer et survivre, même si c’est parfois au coût de son honneur.

Dans cette galerie, on trouve Käthe Kollwitz, sculpteur allemande que Vollmann présente un peu comme un archétype : mère d’un soldat tombé en 1914, elle se tourne vers le pacifisme et le socialisme. Manipulée par l’Union Soviétique, déchue de ses récompenses et de sa situation professionnelle par les nazis, elle meurt avant la fin de la guerre. Son portrait est celui d’une femme voulant aider son prochain, mais qui, prise entre les tenailles de systèmes trop humains, n’a pu qu’essayer de faire de son mieux. Il y aussi deux généraux, l’allemand Paulus et le russe Vlassov, deux soldats brillants qui luttent, sans se poser de questions, pour leurs patries respectives dans des circonstances difficiles : l’un coincé par les exigences démentes du fürher, l’autre par la folie tactique du petit père des peuples. Tout deux seront faits prisonniers par l’ennemi et basculeront psychologiquement, se faisant collaborateurs. On ne souhaitera à personne la fin épouvantable de Vlassov et la vie minable de Paulus.

Au-dessus de cette fourmilière grouillante de vies plane l’histoire principale de « Central Europe », celle d’un triangle amoureux partiellement imaginaire entre le compositeur Dimitri Chostakovitch, le cinéaste Roman Karmen et Helena Konstantinovskaia. Helena a bel et bien été la maîtresse – une parmi beaucoup – de Chostakovitch avant d’épouser Karmen. Vollmann lui donne la place de grand amour du musicien, de femme malheureuse de son mariage subséquent qu’elle fuyait de temps en temps pour revoir le brave Dimitri. Pourquoi accorder à cette histoire une dimension qu’elle n’avait vraisemblablement pas ? D’abord, sans doute, parce que l’auteur adore les histoires d’amour et qu’il trouve ici l’opportunité d’en écrire une très profonde et complexe. Plus essentiellement parce que ça lui permet de se plonger plus longuement sur le cas Chosta. Voilà un homme qui est musicien officiel de l’URSS avant d’être quasi-excommunié, puis réintégré, puis… Voulant toujours dire non mais ne sachant l’énoncer, il promet tout : oui, oui, camarade, plus de léninisme dans ma musique, oui, oui, le peuple veut s’amuser, oui, oui, je suis un patriote. Une fois chez lui, il ne peut s’empêcher de retomber dans ses travers « bourgeois » et de s’adonner au « formalisme décadent ». Et lorsqu’il écrit vraiment ce que le pouvoir lui demande, il y inclut l’une ou l’autre référence subtilement ironique ou subversive. Le Chostakovitch de Vollmann est un homme complexe, qui s’abaissera jusqu’à dénoncer d’autres compositeurs pour satisfaire le pouvoir mais qui fera aussi preuve d’un courage qui confine au suicidaire lorsqu’il compose une série de musique juive pour rendre hommage à un de ses amis purgés par Staline lors du pseudo-complot des médecins juifs. Il s’agit vraiment du personnage emblématique du livre, l’exemple éclatant des dilemmes épouvantables dans lesquels sont placés les citoyens de pays totalitaires. Le connaisseur n’y apprendra pas grand-chose factuellement, mais humainement, le portrait impressionne tant Vollmann se fait virtuose psychologiquement.

« Central Europe » n’est pas un livre de héros, mais il y en a un qui s’en approche fortement : Kurt Gerstein, nazi ayant voulu, au mépris de sa propre vie, révéler au monde l’ampleur de la solution finale et tenté par ses moyens bien limités de diminuer le nombre de juifs tués. C’est curieusement le personnage le plus malheureux, affublé d’une épouvantable haine de soi ravageuse : il se reproche de vouloir faire quelque chose mais de ne pas pouvoir. Rien de pire qu’être le détenteur de nouvelles alarmantes que personne ne veut entendre.

C’est un livre profondément humain, mais c’est aussi un tour de force littéraire. Suite de paraboles et d’allégories intercalées dans des récits plus réalistes, Vollmann démontre une palette particulièrement étendue. Aux passages très précis en matière de psychologie et de documentation – la science est omniprésente -, il fait succéder des envolées lyriques baroques assez brillantes – je pense notamment à l’époustouflante errance d’un soldat allemand dans la campagne ukrainienne qui prend des allures de ballade dans un tableau de Bosch. La musique a évidemment une place essentielle : la structure déjà, succession de portraits, évoque les variations. Il y a aussi de nombreuses pages consacrées aux compositions de Chostakovitch que l’auteur analyse d’une façon particulièrement originale mais qu’il intègre aussi dans ses descriptions de Leningrad en siège. Ainsi, on verra le compositeur sur le toit du conservatoire contemplant sa malheureuse ville, chaque scène faisant écho à la symphonie qu’il joue dans sa tête. On notera aussi la présence de Wagner en filigrane des parties allemandes : encore une fois, l’étude de la tétralogie de l’Anneau du Nibelung est astucieuse et, même si l’idée n’est pas originale, la wagnerisation des descriptions des débuts de l’opération Barbarossa donne des pages très fortes.

Il n’y a, en fait, sur ces presque mille pages pas grand-chose à jeter, l’auteur ayant visiblement travaillé son écriture de façon très minutieuse, ne laissant place à aucune des approximations qu’il y avait ici ou là dans certains de ses précédents volumes. Peut-être est-ce au détriment d’une petite dose de folie, mais le résultat est tellement fort qu’on ne pensera pas à rouspéter.

Mentionnons pour conclure l’option plutôt courageuse – surtout lorsqu’elle ne donne pas dans le sensationnalisme – de faire de ses deux narrateurs des personnages négatifs – l’un est membre de l’appareil sécuritaire soviétique, l’autre est nazi-, option qui colle avec le refus non pas de voir le mal mais bien de juger trop vite des faiblesses de l’Homme. En fait « Central Europe » est un magnifique roman sur le libre-arbitre, les possibilités de l’humain et ce qu’il en reste lorsque la machine à broyer étatique passe.

William T. Vollmann, Central Europe, Actes Sud, €29.80
-------------------------
Suivez la Semaine Vollmann de Tabula Rasa: 3 critiques et entretien en 4 parties du lundi 03 au dimanche 09.

2 commentaires  

Une semaine avec Bill

On ne parlera pas de chef-d’œuvre, mot par trop galvaudé, mais on dira quand même qu’il s’agit du meilleur livre de son auteur, lui-même un des écrivains les plus originaux en activité aujourd’hui. « Central Europe », douzième fiction de William T. Vollmann, vient de paraître chez Actes Sud et est sans aucun doute le meilleur roman étranger de cette rentrée – il mérite en tout cas plus d’égard que ne lui en accorde André Clavel dans Lire, mais on m’a reproché de faire trop attention au bruit de fond des critiques, je laisserai donc d’autres y répondre. Ce livre avait permis à son auteur de décrocher le prestigieux National Book Award en 2005. Je l’avais lu alors, j’ai aussi lu les épreuves de la traduction française et je reste convaincu : un grand roman. Pour faire honneur à cette publication ainsi qu’à celle de « Décentrer la terre », essai publié chez Tristram, j’ai mis les petits plats dans les grands et vous propose sept jours consacrés à Vollmann. Demain, un papier sur « Central Europe ». Suivrons mardi et mercredi les parties de mon entretien avec l’auteur consacrées à ce livre. Jeudi, je vous parlerai de « Décentrer la terre », le lendemain ce sera Vollmann qui vous en parlera. Samedi, « Poor people », dernière publication US (à paraître chez Actes Sud au printemps prochain) selon Fausto. Le dernier mot sera laissé à Bill the blind dimanche. Après, si vous êtes sages, on évoquera David Markson.

2 commentaires  

Clicky Web Analytics