Le retour du même, only different
Depuis la catastrophe Steven Hall, on frémit chaque fois qu’un jeune auteur met en œuvre des tactiques éminemment postmodernes, renvoyant trop directement à d’illustres prédécesseurs alors qu’il vaudrait sans doute mieux déployer des stratégies narratives un tant soit peu personnelles, si pas contemporaines. « The lost books of the Odyssey », premier roman de Zachary Mason, rappelle certains grands moments d’il y a quarante ans, ne frustre pas. Au contraire.
Pourtant, c’est le type de livre qui s’ouvre avec une introduction académique qui explique comment on parvint à mettre (et à décoder) la main sur les textes qui le compose. C’est le type de livre qui se referme avec un appendice expliquant les pérégrinations des textes à travers les âges. C’est le type de livre où même la bio de l’auteur est (glorieusement) fausse. C’est le type de livre où on réécrit le mythe. C’est le type de livre où on domestique le mythe. C’est le type de livre où il y a des histoires dans des histoires dans des histoires. Bref, Nabokov, Borges, John Barth. Surtout John Barth. Et ce n’est pas fini: c’est l’odyssée qu’il réécrit. Comme Margaret Atwood et Ben Ehrenreich très récemment. Sans l’avoir lu, on a l’impression de l’avoir déjà lu. Et même s’il est vrai que pas mal de ce qui se passe nous est familier, penser que l’on sait déjà ce qu’on y trouvera est une erreur.
Comme son titre l’indique, « The lost books of the Odyssey » se présente comme la compilation d’épisodes perdus des aventures de l’homérique Odyssée. On s’attendrait à un volume épais comme un dictionnaire, mais il est en fait relativement fin : ces livres sont surtout des fragments, tenant parfois sur pas plus de deux pages. Et comme son titre ne l’indique pas, il s’agit de plus que l’Odyssée et de bien plus qu’Odyssée lui-même. Par ailleurs, ce ne sont pas des pages, des chapitres, des livres perdus mais bien, dans la plupart des cas, d’écrits apocryphes, de variations bien postérieures à l’original, qui complètent, altèrent, contredisent le texte d’Homère. De plus, il ne s’agit pour les textes de Mason de développer le récit de départ, mais bien de se concentrer sur certaines images, sur certains thèmes – voir les sous-titres de chaque chapitre, de vengeance à tromperie en passant par mémoire.
On pourrait craindre que pour apprécier « The lost books of the Odyssey » il faille connaître « L’odyssée ». Ce n’est que partiellement vrai. Si l’effet d’une reprise ou d’une réinterprétation ou d’une réécriture dépend évidemment de notre compréhension de ce qui a changé, il est tout aussi possible d’apprécier le résultat de pareils procédés sans en connaître la source. Le lecteur lambda qui des classiques grecs ne connaît vaguement que les principales péripéties se retrouvera en tout cas ici dans une position lui permettant d’apprécier ce qui se détache de ce qu’il sait et ce qui pour lui est pur travail de l’imagination de Mason. Et précisément, la force du livre dérive principalement de cette imagination. Si on veut bien se frotter la pointe de la barbe en murmurant « brillant, brillant » devant la perversion du texte de base, il est tout de même encore bien plus satisfaisant de s’émerveiller devant la version masonienne de l’invention du stratagème de Troie ou de sa transfiguration de Hélène en renard tout simplement parce que c’est excellent en soi.
Si on a pu lire en ligne que « The lost books of the Odyssey » formait une sorte d’anti-Odyssée, un commentaire du texte d’Homère « soulignant ses élisions » et « sondant ses interstices », on a pour notre part l’impression que le critique lit lui-même une version fantasmée du premier roman de Zachary Mason. Bien que les nombreuses références au conflit fondamental d’une certaine mythologie jetant orient contre occident ne soient pas innocentes, ces considérations passent au second plan lorsqu’il s’agit de comprendre ce qui nous a plu. Au final, c’est qu’en restant plus simple qu’un Barth et en utilisant veille casserole et vieille recette, le plat qu’on en sort, miraculeusement, recèle des promesses d’une voix nouvelle et séduisante à laquelle, pour peu qu’elle s’émancipe, on se marierait bien d’ici à quelques années.
Zachary Mason, The lost books of the Odyssey, Starcherone Books, $16
Le roman est disponible gratuitement en ligne dans son intégralité. Si ça vous plait, achetez la version papier…
Sous le sapin
Fausto's 2008 notable books
C’est l’époque des best of et des listes de toutes sortes. Tabula Rasa n’échappe pas à cette tradition dépourvue d’intérêt autre que celui de faire un peu de bruit et de s’amuser tout seul. N’hésitez pas à en faire de même en commentaire. La seule différence cette année par rapport à l’an passé, c’est que nous sommes occupés, avec mes petits camarades du Fric-Frac Club, à élaborer une liste des meilleurs titres de 2008 pour laquelle il a donc fallu rendre une sélection de dix titres maximum. La bibliothèque 2008 du FFC sera publiée courant janvier, et vous en trouverez mes choix plus bas. Notez bien qu’il ne s’agit pas d’une liste raisonnée : elle a été élaborée plus par souci de diversité que par véritable évaluation / hiérarchisation. Je recommande, bien sûr, la lecture de chacun de ces livres.
Petite remarque sur 2008 : je suis très satisfait par la qualité et la variété de ce que j’ai lu, tout particulièrement ce qui vient d’Espagne, suivi de près par l’AmSud et, surprise, surprise, la France. Par contre, j’ai été assez déçu, à quelques exceptions près, par les romans US. Quelques poids lourds sont annoncés pour 2009, mais j’ai un peu de mal à entrevoir la relève – alors que dans le monde hispanophone…
Si un livre a écrasé toute concurrence, il s’agit certainement du magistral, de l’époustouflant « 2666 » de Bolaño. C’est tellement le cas que, à l’heure d’élaborer ma liste FFC, je l’ai placé hors compétition et que s’il y avait un prix Tabula Rasa du roman de l’année, je ne le prendrais pas en considération pour succéder à Reinhard Jirgl : la force et la qualité de « 2666 » n’a pas besoin de prix ou de places de choix pour s’imposer à tous. Et donc le prix TR 2008 irait à Manuel Vilas pour « España ». Si on comptait faire un prix du roman francophone, je n’aurais d’autre choix que de le décerner aux « Fragments de Lichtenberg » de Pierre Senges, dont on n’a pas assez parlé mais qui, à mon sens, écrase absolument l’ensemble de la production française de cette année qui, pourtant, fut de qualité.
Le reste du top FFC 2008 de Fausto, dans l’ordre de lecture.
Lydia Millet – « How the dead dream »
Julián Ríos – « Cortège des ombres »
Toby Olson – « La boîte blonde »
Régis Jauffret – « Lacrimosa »
Céline Minard – « Bastard Battle »
José María Pérez Álvarez – « La soledad de las vocales »
Rolf Dieter Brinkmann – « Rome, regards »
Zachary Mason – « The lost books of the Odyssey »
D’autres livres auraient dû s’y retrouver: « Zone », de Mathias Enard, « Za », de Raharimanana ; « A better angel » de Chris Adrian ; « Nocilla Experience » de Agustín Fernández Mallo ; « Madman Bovary » de Claro et « La velocidad de las cosas » de Rodrigo Fresán.
Notables 2007 lus en 2008
Eloy Fernández Porta - « Afterpop: la literatura de la implosión mediática »
Enrique Vila-Matas – « Exploradores del abismo »
Alan Pauls – « Historia del llanto »
Alexander Theroux - « Laura Warholic or the sexual intellectual »
Steve Erickson – « Zeroville »
Blasts from the past
Laurence Sterne – « La vie et les opinions de Tristram Shandy »
B.S. Johnson – « R.A.S. Infirmière-Chef »
Arno Schmidt – «Leviathan »
Thomas Bernhard - «Le naufragé »
Bohumil Hrabal - « Une trop bruyante solitude »
Mark Twain – « Les aventures de Huckleberry Finn » sous la blanche main de Bernard Hoeppfner.
Attendez-vous à quelques posts légers de ce type-ci dans les jours qui viennent : c’est la saison du lourd dans l’assiette et du léger online. Tout au plus essayerai-je de quand même terminer une critique d’ici la fin de l’année, sans garantie.
Joyeux Noël à tous.
Le retour de Pugnax
On était sans nouvelles de l'excellent Pugnax, compagnon de route de la première heure. En octobre 2006, il était un des seuls, avec Claro et Odot, à causer étranges US. Depuis, quelques autres sont venus, on se sent moins seul mais on a toujours chaud au coeur de voir l'essentiel blog Creamy & Delicious reprendre du service. Pour de bon, on espère.
Toujours à l'hôpital
Quelques chanceux parmi vous auront peut-être lu il y a deux ans « The children’s hospital » de Chris Adrian et se seront émerveillés devant l’audace et la beauté d’un roman qui nous pris tous par surprise. Le livre avait été soumis à la plupart des éditeurs connus des Etats-Unis : ils l’avaient tous refusé, jusqu’à ce que Dave Eggers tombe dessus et décide de le faire paraître chez McSweeney’s. Sans connaitre les chiffres, on peut se dire que le succès fut au rendez-vous : cet été, c’est chez Farrar, Strauss and Giroux, maison de tradition, qu’Adrian revient. « A better angel » est son premier recueil de nouvelles.
Le lecteur non-averti, en lisant ses récits, se retrouvera dans un univers étrange, inattendu et inédit. Celui qui a lu son précédent roman ne sera pas surpris, mais il est pratiquement certain qu’il sera séduit. Les histoires ici réunies parlent d’anges, d’enfants, de maladies, d’hôpitaux, d’inadaptation, d’homosexualité, de mort et de deuil. On pourrait dire que Chris Adrian est un homme à trois casquettes : écrivain, pédiatre, théologien. Au vu de son considérable talent, on dira qu’il est un écrivain qui a étudié les religions et pratique la médecine pour gagner sa vie. Ce n’est pas juste, ou plutôt ne rend pas bien compte de ce qui se passe exactement, si « A better angel » est un point de référence suffisamment fiable : il n’y a pas de casquettes, il n’y a pas d’ordre de priorité. Il y a un homme qui, tout en même temps, est écrivain, pédiatre et théologien. Voilà ce qui semble évident à la lecture de ses neuf récits où rien ne sépare les activités et les soucis de l’auteur.
Un enfant de neuf ans ne parvient pas à se remettre du décès de son père, la prof remplaçante de primaire dirige vers lui – elle ne devrait pas – ses ambitions de changer le monde ; Béatrice se meurt en attendant une transplantation de foie et parvient à sortir de son corps pour aller voir ce qu’il se dit, pense et fait ailleurs dans les couloirs de l’hôpital ; un gamin dont le frère siamois est mort d’un cancer oublie sa tristesse auprès d’une gamine aux pulsions un peu trop violentes ; à une époque indéterminée, Peter Damien souffre régulièrement de convulsions et de visions apocalyptiques de tours et d’avions ; un jeu de séduction étrange entre un ado renfermé dont le père est mort quelques années auparavant et une adolescente dont le paternel est décédé un matin de septembre 2001 à New York et qui suspecte la cible de ses attentions d’être l’antéchrist – idée qu’elle aime au plus au point.
Dans « A better angel », tous les enfants ne sortent pas de l’hôpital, les pères meurent, le 11 septembre est une catastrophe domestique, les survivants ne sont jamais indemnes, le surnaturel toujours proche et les anges font ce qu’ils peuvent. Ce qui est tout à fait curieux, c’est que tout ça pourrait juste être une autre liste d’histoires de familles dysfonctionnelles, de gamins perturbés et de violence suburbaine. De fait, si on tente de décrire ces histoires, c’est ainsi qu’elles seront comprises par votre interlocuteur. Il faut les lire pour se rendre compte de la transformation radicale à laquelle Adrian soumet ses situations connues. Edith Pearlman appelle ça réalisme magique médical, et il y a de ça même si encore une fois, en lisant, on se rend compte qu’il ne s’agit certainement pas d’une version pédiatrique d’un succédané marquesien. On a en fait le sentiment que Chris Adrian s’est conçu un genre sur mesure et que, pour le moment – voyons voir dans 25 ans ce qu’il en est– il séduit.
La seule critique que je ferais à ces nouvelles, c’est d’être parfois trop « cute », trop mignonnes. C’est sans doute inévitable quand on manie les éléments utilisés par Adrian et qu’il faut parfois contrebalancer la dureté de certaines conditions médicales ou dérangements psychologiques. Après tout, j’imagine qu’un pédiatre doit savoir faire sourire son patient… Hormis ce petit souci, « A better angel » impressionne par la qualité des textes, la cohérence qui s’en dégage – on a parfois l’impression que c’est plus cohérent que certains romans, notamment grâce à des ressemblances de situations de récits à récits qui, pourtant, sont assez différents pour ne pas lasser --, la vivacité des narrations, la force de l’écriture et tout simplement l’étrange et puissante originalité de Chris Adrian. Cette fascinante collection de gosses atopiques (pour reprendre une terminologie qui sera familière à certains d’entre vous) pourrait tout simplement être le meilleur recueil de nouvelles de l’année : aucun des textes n’est mauvais, tous surprennent, touchent et forcent l’admiration.
Chris Adrian, A better angel, Farrar, Strauss & Giroux, $23.00
Noir fable of the spanked prick
Histoire de générations
Qu'on lui coupe la tête
Voilà une bonne heure que j’écris, efface, réécris, efface encore le paragraphe introductif du bref papier que je tente d’écrire sur le dernier roman paru en français de Brian Evenson. Rien ne vient et j’ai donc décidé de m’inspirer du titre du roman, d’amputer mon texte de son début, de trancher dans le vif du sujet.
Je pourrais faire de même avec le second paragraphe, puis le troisième.
Pourquoi pas avec le quatrième, et le dernier ? Couper court à tout désir de débattre, toute velléité d’analyse.
Notez que ces coupes sombres dans les effectifs paragraphesques habituels chez Tabula Rasa feraient de moi un cinq, c'est-à-dire pas grand-chose mais pas tout à fait rien non plus. Juste assez pour espérer en apprendre un peu plus de Monsieur Evenson.
Bien sûr, je dois bien me rendre compte avoir déjà écrit, même s’ils ne disent rien, quatre paragraphes et entamé le cinquième. Paragraphes inutiles, mais paragraphes quand même. Rien d’amputé donc. Bref, autant dire quand même quelques brefs et superficiels mots sur ce livre qui en mérite plus, vu où on en est…
Kline est un détective privé qui acquiert du jour au lendemain une petite célébrité dans le monde des tarés lorsqu’il se fait couper la main par un certain gentleman au hachoir et qu’il se cautérise la plaie lui-même avec un bête réchaud avant de mettre une balle dans l’œil de son agresseur. Harcelé par un étrange duo le long de dialogues, hmm, beckettiens, il finit, plutôt contraint, par se faire emmener dans la paisible retraite campagnarde pour y enquêter sur un meurtre. Ou un cambriolage. Tout ça est bien compliqué, d’autant plus que les seules personnes pouvant lui expliquer quelque chose refusent de lui causer : les disciples sont des mutilés volontaires et le système hiérarchique est d’une sévérité telle qu’on ne peut atteindre aux positions les plus élevées qu’en s’amputant de plus en plus. Si vous êtes, comme Kline, un pauvre 1 (un membre en moins), n’espérez rien obtenir d’un 10. Et le privé d’Evenson de se rendre compte, à mesure qu’il se défait de ses membres, qu’il est le dindon d’une farce macabre qui ne peut que très mal finir. Comme John Lennon il y a des années, on a envie de crier « You’d better run for your life if you can, little Kline, Hide your head in the sand little Kline » mais Kline ne court pas: il découpe, il flingue et il crame.
« La confrérie des mutilés », tel que publiée en français par le Lot 49, est une œuvre bien différente de celle présentée aux Etats-Unis en 2003 : lui est ajoutée deux parties. On se dit que « The brotherhood of mutilation », v.1 a dû être perçu comme un exercice de style, un petit délire d’Evenson dans le monde du polar, version sanglante, frappée et millénariste d’un Chandler. Dans un sens, cette impression n’est pas démentie par les membres retrouvés du texte pour cette édition. On est toujours dans le délire. Mais il y a plus : c’est dans ces nouvelles pages que le livre se fait vraiment evensonien et qu’on retrouve ses préoccupations religieuses d’une manière plus profonde que juste comme toile de fond d’une amusante digression gore. En fait, la construction est inverse à celle de « The open curtain » : on y avait les parties les plus fortes en apports théoriques – schizophrénie, religion et rites – au début pour finir dans le pur thriller alors qu’ici, c’est le contraire, puisqu’on ne se rend compte que petit à petit de la véritable dimension eschatologique du projet des mutilés.
Chaque fois que je lis Evenson, je suis séduit par son habileté à mêlé drôlerie (pour peu que le fait de lire en se demandant pourquoi le schisme s’est placé sous l’égide de l’apôtre Paul avant de réaliser que le nom vient du manchot des Wittgenstein soit propre à vous faire rire, bien sûr) et horreur, à utiliser les ressorts du genre pour composer une œuvre littérairement et philosophiquement ambitieuse. C’est un auteur à même de séduire un public varié pour autant qu’il soit intelligent : que le lecteur de polar ne laisse pas son enthousiasme se faire plomber par les thèmes profonds, que le lecteur dit sérieux ne s’arrête pas à l’habillage polar. C’est quand même le moins que l’on puisse demander.
Brian Evenson, La Confrérie des mutilés, Lot 49, 17€
Dans une note récente, Juan Asensio, reprochait à un texte de Bartleby sur « Inversion » de faire trop de place à l’analyse de la schizophrénie par Deleuze, appauvrissant ainsi le roman. C’est sans doute vrai qu’une telle analyse limite la portée d’ « Inversion », mais il me semble qu’il faudrait se souvenir que Bartleby s’intéresse à l’atopia, ce qui restreint inévitablement non seulement le champ des livres dont il va parler mais aussi focalise ses interventions sur certains aspects au détriment d’autres. Est-ce pour autant un appauvrissement ? Point du tout : il est, dans ce domaine là, plus riche que n’importe qui et il est, à mon sens, de la responsabilité du lecteur de ne pas attendre ce qu’on ne lui a pas promis. Ceci mis à part, j’ai été surpris, dans le texte de Juan, de lire qu’Evenson n’était pas un véritable romancier. Il en donne quelques explications, mais elles me semblent étrangement appauvrir autant le roman qu’il reprochait à Bartleby de le faire. Je suis aussi en assez grand désaccord avec lui sur la troisième partie du roman, guère convaincante selon Juan, admirablement construite à mon sens – et précisément preuve qu’on a là un romancier doué plutôt qu’un thésard mâtinant ses réflexions de fiction.
J'ai failli lire le Goncourt
J’y croyais dur comme fer, j’allais, pour la première fois depuis celui de 1975, avoir lu un Goncourt, c’était certain. Et j’allais pouvoir en dire tout le mal que j’en pensais. Et puis voilà que quelques jours avant on se décide à lui donner le Médicis, annihilant ainsi presque complètement ses chances d’obtenir l’autre. C’était d’autant plus ennuyant que, pour des raisons peu claires, j’ai plus envie de dire du mal d’un Goncourt que d’un Médicis. Toujours été comme ça. Mais on doit faire avec ce qu’on a, je suis contraint de me rendre à l’évidence : j’ai failli lire le Goncourt – parce que je me suis convaincu que s’il n’avait pas eu le Médicis, il aurait eu le Goncourt.
Des amis avec lesquels je fréquente un club supposé de bon goût m’avait dit que le livre était très bon, ambitieux et correctement écrit même si très classique. Un vrai bon roman voir même un très grand livre, réjouissant d’ampleur et d’intention. Evidement, quand je l’ai lu je me suis rué vers les salons privés dudit club pour remercier mes soi-disant amis de m’avoir fait perdre des heures précieuses de ma vie. Interloqués par la virulence du déferlement faustien, ils m’accueillirent par des questions (« je ne t’avais pas dit que c’était foireux ? ») ou des marche-arrières (« C’est un grand gâchis ») qui évidemment n’on rien fait pour les 26.30€ investis (1.80 plus cher en Belgique qu’en France !) dans un lest de 800 pages de papier m’ayant filé une bonne crampe au poignet. C’est pour ça que je me console en me disant que j’ai failli lire le Goncourt.
Est-ce que « Là où les tigres sont chez eux » est vraiment un mauvais livre ou est-ce juste un livre qui ne remplit pas ses promesses ? Les deux branches de l’alternative ont du mérite. Mon ami Bartleby argumente plutôt bien en faveur de la seconde – et je vous conseille de lire son papier, qui en dira plus sur le livre dans son ensemble que le mien ; je ne le trouve pas assez sévère et je penche sans hésitation pour la première : le livre de Jean-Marie Blas de Roblès est mauvais. Parce que très souvent mal écrit – et nulle part aussi mal que dans les dialogues, d’une pauvreté, d’une raideur, d’une artificialité affligeante. Parce que rempli d’histoires parasites – ce n’est pas qu’il y a trop d’histoire (il n’y en a jamais assez pour moi) mais bien qu’elles sont inégales malgré qu’on leur octroie à toutes le même espace, qu’elles ne sont pas habitées de la même passion, du même sentiment de nécessité, qu’elles sont trop souvent génériques. Parce que foire aux clichés – trop de scènes convenues, de fascination pour la pureté des civilisations anciennes, de dégout bidon pour la civilisation marchande et de dénonciations hystériques des politiciens corrompus.
Entrer dans « Là où les tigres sont chez eux » m’aura rappeler ma rencontre avec l’ancien beau d’une amie qui, barbe de quelques jours, veste d’explorateur-grimpeur, nous conta son voyage récent dans le bush et toutes ses entreprises essentielles, tu vois, vraiment authentiques, ses rencontres, ce qu’il avait fait, vu et dit, affectant une modestie qui cachait mal la moue satisfaite du pékin se servant de l’arme de séduction qu’il s’était choisie. Il était pour nous évident que son dernier vrai voyage était dans un bar à la mode d’Uccle où, comble de l’exotisme, il avait rencontré une bulgare travaillant à la commission européenne. C’est là la mesure de l’échec du livre : Blas de Roblès a sans aucun doute une expérience du terrain et une connaissance du monde incomparable mais son livre me replonge dans le souvenir d’un dragueur de petites bourgeoises.
Il y a pourtant au centre du livre une figure énorme qui aurait vraiment dû faire de ce livre une expérience littéraire de grande ampleur : Athanase Kircher, « génie baroque » dont une sensationnelle biographie inédite se retrouve dans les mains, pour édition, du personnage principal, l’insupportable Eléazard. On frémit de penser à ce qu’aurait fait de pareille vie un Norfolk, un Senges ou un Pynchon. C’est ici qu’on passe les meilleurs moments – et c’est aussi ici que le livre est le mieux écrit – mais c’est aussi ici qu’on touche du doigt ce qui aurait pu être et ne sera jamais.
Contrairement à ce qui a été dit ailleurs, « Là où les tigres sont chez eux » est un livre qui ne fait que semblant de prendre des risques. Structure et ressort certes (potentiellement) ambitieux, mais écriture classique (et plate !), traitement banal, développements convenus font de l’entreprise un échec peut-être pas complet mais non dépourvu de moments minables. Certains de mes camarades m’ont dit que, même si le livre décevait, il permettait au moins de récompenser Zulma. Attitude étrange : si Zulma n’a pas d’autres livres plus méritant – et ils en ont !!—alors que penser de leur travail ?
Jean-Marie Blas de Roblès, Là où les tigres sont chez eux, Zulma, 24.50€
PS : je me demande si l’insupportable Eléazard n’est pas la plus belle réussite du roman : bien que son nom soit tout à fait atypique, on retrouve en ce personnage toutes les qualités et attitudes qui ont rendu célèbres les français de par le monde (et notamment leur extraordinaire capacité à s’indigner pour tout, pour rien tant que ce n’est pas à la maison – la poutre, la paille et la patrie des droits de l’Homme) et fait d’eux à la fois le peuple le plus admiré et le plus détesté de par le monde. Mais je résisterai à la tentation de vraiment applaudir cette création car j’ai bien l’impression qu’il s’agit d’un autre cliché – les membres de mon club sont tous franchouilles et valent bien mieux que ça (rires).
Ágape se paga
La maison d'édition Sexto Piso a décidé de publier l'ensemble de l'oeuvre de William Gaddis en espagnol. Grande idée, on espère qu'un éditeur français se souviendra qu'il faut rééditer "JR"...
Nouvelles d'Espagne depuis l'Inde
A une semaine de mon retour à la maison, pas trop l’occasion de mettre à jour Tabula Rasa mais tout de même quelques nouvelles espagnoles à signaler. Depuis l’Inde, c’est peut-être étrange: les voies du Net sont impénétrables.
- Juan Goytisolo a reçu le Premio Nacional de las letras en Espagne. La bonne nouvelle est saluée comme il se doit ici et ailleurs mais nulle part mieux que chez Vicente Luis Mora et Juan Francisco Ferré.
- Goytisolo n’aura donc pas le Cervantes, le plus prestigieux de tous : il est pour le catalan Juan Marsé, sur lequel, coïncidence, Candaya vient de publier un essai, après ceux consacrés à Bolaño, Vila-Matas et Piglia.
- On apprend, par l’entremise de Jorge Carrión, la sélection des livres de l’année de l’excellente revue Quimera. En essais, le texte de Gustavo Guerrero sur Cela – un de plus, on a envie de dire, mais qui, une fois n’est pas coutume, semble authentiquement intéressant -- ; en poésie, les œuvres poétique de José Watanabe ainsi que le dernier receuil de Manuel Vilas – dont je vous rappelle qu’il faut absolument lire le roman « España »-- ; en fiction, « El dorado », le dernier roman de Robert Juan-Cantavella, ainsi que « Mis dos mundos » de Sergio Chejfec.
- Pour finir, Eloy Fernández Porta avait fait parler de lui avec « Afterpop » en 2007, bis repetita grâce à « Homo Sampler », son nouvel essai.
A très bientôt.
Le bout de la piste
Au fil de la lecture de “The drop edge of yonder”, le dernier roman de Rudolph Wurlitzer, j’ai regulièrement pensé à “Méridien de sang” de Cormac McCarthy. Superficiellement, l’époque, la violence, le personnage du Warden, l’errance renvoient le lecteur au chef-d’œuvre de Cormac. Mais c’est plutôt les différences entre les deux titres qui marquent. C’est une citation de Gary Indiana, sur la quatrième de couverture, qui m’a mis sur la piste : « Rudolph Wurlitzer wrings your heart like a chicken’s neck while he show you the cannibal in the bathroom mirror : our true American myth of origin ». Si la première partie de la phrase est indéniablement juste, la conclusion l’est, à mon sens beaucoup moins. « Méridien de sang » est, entre autres choses, une approche saisissante de l’origine quasi mythologique d’un pays et de l’image qu’il se fait de soi-même. Par contre, « The drop edge of yonder », c’est l’absence du mythe, son absence la plus complète, à un point tel qu’il ne s’agit même pas d’aller voir ce qu’il y a derrière le mythe : il n’existe pas et donc il ne cache rien. Reste un western existentiel, pas un de plus, non, un western existentiel qui se fout du western pour, finalement, parler d’un homme et d’une femme.
Zebulon. Delilah. Z., trappeur par défaut, se met en route pour voir sa mère mais tombe en chemin sur Hatchet Jack, éduqué comme son frère bien qu’ils n’aient aucun lien de sang. Dans un saloon, il fait la rencontre de D. et de son mari, « comte » russe avec un penchant pour le jeu et le revolver. La soirée pas même terminée, Z. se retrouve avec une balle dans le cœur. Pas mort, il se réveille dans un fossé. Et le voyage de débuter. D., abyssinienne mélangée à plein d’autres origines, pute du vieux continent, habituée aux salons des grandes capitales mais maudites des dieux, suit son consort et mari, Russe jaloux, en fuite vers l’Amérique où il espère se refaire une santé et échapper à la corde qui lui est pourtant destinée. De saloons et saloons, elle chante et distribue les cartes de façon à toujours gagner. Z. n’aurait pu, cette nuit-là, n’être qu’un oiseau de passage, abattu avant même de s’envoler. Il n’en sera rien : leurs routes se croiseront encore et encore.
Z. et D., on finira par leur dire, ont sur eux la même malédiction, qui les attire l’un vers l’autre tout en les empêchant d’être vraiment ensemble. Plaxico, sorcier mexicain, annonce qu’ils ne se libéreront de l’entre-deux monde où ils errent que par la mort de Z. et la grossesse de D. Tous deux fatalistes, ils entendent la prophétie, mais, puisque ce qui doit arriver arrivera, ne cherchent ni à accélérer sa réalisation ni à éviter l’inévitable. Ils se séparent pour toujours et chaque fois finissent, par hasard ?, par se retrouver. Il en va de même pour tous les autres protagonistes, qui se croisent et se décroisent. Hatchet Jack, Plaxico, Large Marge, The Warden, le bateau Rhinelander, balisent à chaque étape le chemin parcouru par D. et Z., qu’ils soient séparés ou ensembles.
Le parcours est sanglant. Contrairement à McCarthy qui offrait en « Méridien de sang » un roman qui redéfinit les rapports du lecteur avec la violence dans la littérature, la célébrant presque, la ritualisant dans des scènes incroyables où la plus féroce sauvagerie acquérait une beauté rare, Wurlitzer fait des combats et des duels qui émaillent son récit guère plus qu’une toile de fond certes capitale dans le parcours mais qui n’est au bout du compte guère plus que ce qui se passe alors que Zebulon est en plein dans sa quête absurde. Si Wurlitzer remplaçait ces scènes par des descriptions de procédés agricoles de l’Ouest, ce ne serait pas la même chose mais il le raconterait sur le même ton. Et le ton de Wurlitzer est capital, il donne au livre son humour étrange, mais surtout pince-sans-rire, une impression que rien n’importe alors que tout devrait importer, un à quoi bon d’où perce quelques éclats de rire qu’on voudrait croire désespéré mais qu’on soupçonne d’une autre nature. Et ça se reflète dans un style qui se refuse au lyrisme, au baroque sans pourtant plonger dans une sécheresse trop forcée : comme Z. et D. l’écriture de Wurlitzer est dans l’entre-deux, entre ne pas en dire assez et en dire trop, alternant une aptitude à dessiner des images et à lancer des métaphores étranges et puissantes avec une tendance à la concision ou plutôt à la zone d’ombre, au silence qui pourrait, si on savait le décrypter, en dire long. C’est, au-delà de l’histoire, tout ça qui séduit dans « The drop edge of yonder ». C’est aussi l’aspect irréel du récit, non pas de par ses évènements mais bien par le doute savamment distillé par Wurlitzer qu’il s’agirait peut-être bien d’un rêve qui pourrait être aussi bien celui de Z. que de D. Ou celui du lecteur ? Les répétitions, les retours des mêmes personnages, des mêmes scènes ou des mêmes bribes de scènes enfoncent le clou encore plus profondément : on finit par se dire qu’il est absurde de continuer avec cette épopée absurde. Mais comme précisément, on a parfois l’impression que cette absurdité est la nôtre, on continue de lire, histoire, qui sait ?, d’en trouver la clé. Si l’on suit le récit jusqu’au bout, à la fin de tout, à la page 275, certains concluront que même les prophéties jouent des tours et qu’on ne peut se fier à rien. On pourrait aussi imaginer que l’histoire n’est pas finie.
S’il y a un mythe dans « The drop edge of yonder », c’est celui de Zebulon. Largement faux, grossi médiatiquement dans l’imaginaire populaire, il a de nombreuses conséquences indésirables. C’est sans doute cela qu’évoquait Gary Indiana mais je pense que ce serait donner trop d’importance au mythe Z. : tout comme la violence, il ne fait qu’accompagner le parcours, il est là parce qu’il lui est indispensable, et non pas pour faire un discours sur l’Ouest et sa représentations. Ici, le mythe, la violence, l’époque ne se raconte pas comme chez McCarthy : il n’est finalement que le théâtre de l’absurde, le décor de deux existences, la zone d’expression d’une étrange méditation sur l’amour. Cette étrangeté ressort d’ailleurs bien des commentaires d’esprits aussi fins que Sam Shepard ou John Ashbery : ils doivent utiliser le vieux stratagème journalistique de la liste d’affinités (Mel Brooks, William Burroughs, Jack Smith, Guy Maddin, Samuel Beckett) pour espérer parvenir à dire un roman qui échappe au commun. C’est peut-être le TLS qui tombe le plus juste : un western célinien. C’est vrai.
Rudolph Wurlitzer, The drop edge of yonder, Two dollar radio, $15.00
Voyage espagnol en terre vilasienne
Espagne n’est pas « Espagne », mais « Espagne » rend bien l’Espagne, tout du moins dans une optique non pas décalée (je n’aime pas le mot) mais peut-être dévissée, glissant vers autre chose. L’index qui accueille le lecteur est déjà un indice (sans mauvais jeu de mot hispano-français) de ce qui va se passer : il donne les apparences d’un ouvrage sérieux (technologie, axe La Havane-Madrid, histoire de la littérature, tauromachie, science…) qui ferait un état des lieux fidèle des terres jean-charliennes mais il ajoute une autre dimension, nettement plus curieuse (motocyclistes, retour de l’eurocommunisme, spiritualisme ou le vampirisme lors de la transition). On (croit) comprend(re ?) se diriger vers une aventure historicomique vilasienne en terres jean-charliennes, espérant éviter (que San Ramón nous vienne en aide) un machin qui serait juste hystérocomique. On tourne la page et on est encore surpris : le guide touristique commence par une citation d’un monarque inconnu, un certain Juan Carlos II (splendide « me gusta la gente »). On se gratte la tête et on commence enfin le récit. Le voilà qui s’ouvre sur un essai dystopique (mais pas tellement) dans un monde où une nouvelle technique s’est imposée. Le Noevi est une sorte de magasin de conversations qui permet à chacun d’écouter ce qu’on dit de lui quand il n’est pas là. De découvrir ce qu’on pense de lui et ainsi d’amender son comportement. En gros, l’instrument de contrôle « doux » rêvé par toute sociale-démocratie. Et Vilas serait-il dans « España » le Noevi de l’Espagne, l’entraînant dans un palais des glaces de déformations en déformations, retrouvant ici ou là l’image qu’elle se fait d’elle-même mais devant la plupart du temps se confronter à une autre réalité ?
Ce qui est certain c’est que les premières 31 pages du roman de Vilas déséquilibrent le lecteur et que ce déséquilibrage le lance claudiquant dans les 202 pages qui suivent sans que ce soit inconfortable : c’est apparemment ainsi qu’il faut y avancer, dans cet univers où la surprise serait de ne pas être surpris. On rencontre des chapitres qui auraient pu être des nouvelles autonomes, comme El cadáver encendido où une femme morte se remémore, alors qu’elle est étendue sur la table de la morgue et observée par ses proches, l’histoire de ses 125 amants et de ses milliers d’infidélités. Comme Vacaciones, où un couple de touristes débarque à La Havane et se transforme, dans un étrange tourbillon, en un autre couple, et un autre couple, et un autre couple… Ou encore comme l’histoire de la déprime de Juan Manuel Belmonte, astrophysicien, qui, lors d’une conférence, déclare que seul les oisifs se consacrent à des connaissances de merde comme celles auxquelles il a dédié sa vie. On rencontre aussi des chapitres brefs, des transitions humoristiques non dénuées de révélations. On rencontre encore des textes qui traitent plus directement de l’Espagne qu’on connait (Marisol, Miguel Ángel Blanco, Nino Bravo, la moule zèbre) ou dont l’aspect fictionnel cache moins l’approche directe d’un aspect culturel du pays (la critique et le monde littéraire espagnol, maltraités avec délice par un Vilas disséqueur des plus fins). « España », tout comme un pays, est un ensemble hétérogène dont on se demande parfois, tout comme le pays, comment il tient ensemble. D’une certaine façon, peut-être ce livre est-il une sorte d’antidote à une Espagne réelle où on ne parle plus d’Espagne, obsédé que tant semblent l’être par les innombrables nationalismes régionaux.
Mais laissons aux Epagnols le privilège d’analyser ce que « España » dit politiquement d’España – de celle, d’ailleurs, d’avant le triomphe estival de la Roja dont on se dit qu’il aurait fait un beau chapitre de plus – et essayons de voir ce qui fait marcher cet agrégat de textes. J’ai lu sous la plume de Vicente Luis Mora qu’on ne pouvait considérer ce livre comme un roman, qu’il s’agissait d’un recueil de nouvelles. Manuel Vilas lui-même confiait avoir hésité longtemps entre les deux qualifications avant de se sentir plus confortable à l’idée de considérer « España » comme un roman. Bien que guide touristique intérieur soit peut-être une appellation plus juste, on lui donne raison. Il court à travers tous les textes un bruit parfois petit, faible, grand et fort qui dit Espagne ! Vilas ! Espagne ! Vilas ! « Espagne » ! Il y a comme une logique, un début, une fin, une continuation. Certes, ce n’est pas un roman classique. Mais un recueil ? Encore moins. Cependant ce n’est évidemment pas ça qui va séduire le lecteur. Non, ce qui va le séduire ou en tout cas ce qui m’a séduit moi (et à l’heure d’écrire ceci, croyez-moi, c’est bien tout ce qui compte) c’est bien entendu Vilas, ce qu’il construit, ce qu’il fait et ce qu’il dit. « España » est une histoire de bravoure narrative et d’intelligence. Il faut déjà y aller pour mélange anticipation, science-fiction, faits divers, délires politiques, impostures intellectuelles et autobiographie pervertie. Ca marche parce qu’on se marre, ça marche parce qu’on s’arrête pour penser et ça marche parce que Vilas se fout gentiment de nous. Prenez la mort de Nino Bravo où le simple changement du modèle de voiture nous projette dans une toute autre dimension que la simple notice nécrologique (et que dire du titre : histoire de la fin du franquisme). Prenez la menace écologique de la moule zèbre transformée en métamorphose kafkaïenne. Prenez l’assassinat du conseiller communal Miguel Ángel Blanco par ETA où la victime s’appelle Manuel Vilas pour un texte poignant, humain, profondément touchant et sans doute nécessaire (on rit quand même lorsqu’un membre du commando dit à un autre « tu es plus communiste que basque »). Prenez le fictif Juan Manuel Belmonte, dont le nom évoque à la fois un noble d’il y a bien longtemps et le matador le plus célèbre de l’histoire. Prenez Arturo Belano qui passe parmi ces pages. Cette espèce de dislocation constante entre « España » et Espagne époustoufle de bout en bout. Et même si pour nous, pauvres étrangers, certaines références nous passent au-dessus de la tête pour démêler le vrai du faux, remercions Vilas pour ses notes de bas de pages tentant d’éclaircir -- « Pour si on traduit « España » », écrit-il – les éventuelles références obscures. On ne sait trop à quel point lui faire confiance, ceci-dit.
On dira que « España » n’est pas un livre parfait. Je dirais que c’est une expérience parfaite. Une marelle, une série de sauts à cloche-pied, au bout de la course un bon dans le vide auquel on survit. En ressortant vivant, heureux, joyeux, illuminés et convaincus d’avoir lu un putain de truc, on remonte et on se lance dans le monde réel avec l’envie de se diriger vers l’Espagne « réelle » qu’on est plus tout à fait certain de connaître afin d’aller sonner chez Vilas pour lui proposer d’aller boire une bouteille de Somontano histoire de se convaincre que tout ça est vraiment arrivé. On lui proposera, pourquoi pas, d’inviter également son pote Pérez Álvarez, quit fait un détour par les pages de « España » tout comme Vilas traversait celles de « La soledad de las vocales ».
Manuel Vilas, España, DVD Ediciones, 14€
Rolf, regards
Dans un mail envoyé il y a quelques jours, je qualifiais « Rome, regards » de « machin ». Je n’avais pas choisi le mot avec précaution, il est sorti comme ça. Ce n’est en fait que lorsqu’on me l’a fait remarquer que je me suis rendu compte de la relative justesse de mon choix. Le livre de Rolf Dieter Brinkmann est bel et bien un machin. Dans le sens noble du terme. Oui, ça existe : noble machin. Première.
Première aussi pour presque deux générations de lecteur : Brinkmann n’a été traduit qu’une seule fois en français, il y a 37 ans. Né en 1940, l’homme est d’abord poète, le numéro un des beats allemands. Il publiera près de neuf recueils et s’essayera aussi à la nouvelle et au roman, genre dans lequel il ne serait pas vraiment à l’aise. Et plutôt que de se laisser limiter par les difficultés qu’une forme lui donne, pourquoi ne pas créer la sienne propre ? Voilà « Rome, regards », qui ne sera malheureusement publié que de manière posthume en 1979 : le 23 avril 1975, il est renversé par une voiture dans les rues de Londres. Le lecteur, lui aussi, est renversé – métaphoriquement, heureusement.
Alors pourquoi renversement, pourquoi machin ? Déjà, que les propriétés physiques. C’est l’équivalent livre d’un frigo Smeg. Plus grand d’une tête que tous les romans de ma bibliothèque, plus large aussi –mais pas plus épais. Voilà qui impose et fait mal au poignet. Puis une fois ouvert on voit que le machin est aussi approprié pour décrire ce qu’il y a à l’intérieur. Sans être un tapuscrit du sieur Schmidt publié en fac-similé, rien que le feuilletage rapide est tout un voyage : typographie changeante, reproduction photographiée ou photocopiée de lettres, collages étranges, plans de Rome annotés, photos de touristes, clichés pornos, c’est comme ouvrir une vieille malle de famille dans la cave : trop pleine, tout t’explose à la gueule et oh là là. Mais heureusement, « Rome, regards » n’est pas une malle, il y a le texte qui, comme qui dirait, ferait mode d’emploi. Vague, genre mode d’emploi d’ustensile chinois à 2€ -- ce n’est pas comme s’il te guidait pas-à-pas, te disait quoi voir et quoi comprendre quand, c’est de la littérature, hein !-- mais mode d’emploi quand même.
Donc le texte, de quoi est-il fait ? Parce que c’est évidemment pour lui qu’on fait la visite, lui qui fait tenir l’étrange ensemble. La petite trentaine, Brinkmann n’arrive pas à faire vivre sa femme Maleen et son fils Robert avec les maigres rentrées reçues de son travail littéraire. D’un point de vue financier, la bourse qui lui est octroyée par l’Allemagne de l’ouest est une superbe opportunité. Elle implique cependant de rester quelques temps en résidence à la Villa Massimo, équivalent teuton de la Villa Médicis, où il pourra travailler sur ses projets. « Rome, regard » est le récit épistolaire de son séjour romain, entre octobre 1972 et janvier 1973. Brinkmann n’a pas envie d’être là. Mécontent d’être considéré comme un invité alors qu’il estime que c’est lui qui fait grâce de sa présence à l’Etat, il ne s’intègre pas au groupe formé par les autres artistes résidents dont il déplore le manque d’indépendance, d’originalité et la trop grande fascination pour le pouvoir. Malheureux comme les pierres, Brinkmann ne tient qu’en sachant que tout l’argent qu’il envoie à la maison est indispensable et il essaie tant bien que mal de garder la majorité de sa bourse à cet effet. Il travaille peu, n’arrivant visiblement pas à se concentrer et à créer dans cet environnement. Mais il écrit tout de même : des lettres à sa femme et à ses amis, qui forment l’essentiel du texte. Une myriade de textes en fait, pour une série de regards sur lui, sur la ville, sur les arts, sur sa famille, sur ses amis, sur la politique.
Après une brève description du départ, qui fait déjà montre de quelques caractéristiques de l’écriture de Brinkmann, avec les références pop, jazz, Burroughs ou H.H. Jahnn ainsi qu’un jeu typographique peut-être pas schmidtien mais enfin quand même, après cette description donc, première lettre, écrite alors qu’il est arrivé à Rome. Destinée à sa femme, elle commence comme la lettre à la maison d’un homme quelconque qui se sait loin pour un certain temps. Précision des choses à faire, conseils pratiques, questions en suspens, le tout dans une prose utilitaire plus que littéraire. Vient ensuite la description du périple ferroviaire depuis Cologne et des pénates romaines. Petit à petit s’immisce l’impression que, non, un style épistolaire classique n’est pas vraiment de mise malgré l’impression initiale que… Le voyage est offert à Maleen avec de nombreux détails et un sens de l’observation certain mais rien ne sort du commun, si ce n’est qu’on se rend compte que Brinkmann dit tout ce qu’il pense, il lâche sur le papier tout ce qu’il ressent. Les premières traces de l’étrange viennent du graphisme. Pas les photos, non, mais le plan méticuleux qu’il dessine pour que chez lui on puisse voir clairement entre quels murs il se meut et puis le plan de Rome où il a tracé son parcours, indiquant ce qu’il a déjà vu et, en sorte de miroir, l’immensité de ce qu’il ne connait pas. Et puis on passe au texte suivant, daté du lendemain de la lettre. Bardaf. On rentre dans une bien étrange et flamboyante prose poétique / poésie en prose. C’est là, à la page 36 de « Rome, regards » que le voyage du lecteur commence véritablement. Et c’est explosions sur explosions, oui, vraiment. Parce que Brinkmann, dans son courrier, passe sans cesse de la banalité quotidienne à une somptueuse prose hyper-classique avant de faire le grand saut vers une poésie libre très beat puis de repasser à un quotidien banal mais explosé ou schmidtisé avant de… bref ! Regarder écrire Brinkmann quand il est en plein vol – parce que lire son courrier c’est un peu le regarder écrire – c’est une expérience des plus phénoménales et complètement folle. Le plaisir est d’autant plus intense qu’au fil des pages on ressent clairement un lien entre ce qu’il dit et la façon dont il le dit. Et c’est sans doute ça qui fait oublier qu’on est devant une collection de lettres et d’illustrations. Emballé par l’écriture, le lecteur se laisse emporter dans les cascades d’idées de l’auteur. L’incohérence de certaines théories ne fait que magnifier le rythme du texte. La cassure typographique de tel passage ne fait que magnifier la théorie développée. « Rome, regards » fonctionne comme un ensemble non pas parce qu’il est monolithique mais bien parce que quel que soit le niveau sur lequel se concentre le lecteur il y a un élément de séduction qui renvoit et correspond aux autres niveaux. Sublime cohérence d’un esprit trop rebelle pour être cohérent ? Pourquoi pas.
Brinkmann n’est nulle part meilleur que sur la durée, dans l’écriture de missives longues comme des jours sans Maleen. Il y a au début du livre une lettre époustouflante de 90 pages. On ne peut s’arrêter de la lire et lorsqu’elle se termine, c’est comme remonter à la surface après un certain temps en apnée. Sur ces quelques dizaines de feuillets, il aura tout fait, été tendre, aimant, violent, délirant et super-lucide. Il parle de ce qu’il mange avant de basculer dans une harangue contre tel autre artiste de la Villa. Il décrit une ville visitée lors d’un voyage avant de passer à une tirade contre l’Etat et la social-démocratie. Il évoque Gottfried Benn ou Hans Henny Jahnn de façon obsessive pour finir par parler du sexe de sa femme. On pourrait y voir le délire d’un fou et non, ce n’est pas le cas. On ne peut pas le rejeter comme ça, c’est peut-être ça le plus fort : Brinkmann te fait penser comme Brinkmann. Quand il est triste d’être loin de sa femme, on sympathise. Quand il s’énerve sur sa femme, on s’énerve avec. Quand il attaque de manière féroce un ami marxiste, on rigole et on sort les griffes aussi.
Brinkmann, pour ce qu’on retire du portrait qui se dégage de « Rome, regards », était un drôle d’oiseau. Individualiste pur aux tendances anarchistes certaines, détestant l’Etat et le socialisme (ces machines à broyer l’individu), il est obsédé par l’ordre, la politesse, les manières, la propreté. Capable des déclarations les plus emportées sur la société bourgeoise, il se lancera deux lignes plus bas dans une tirade qui ferait passer un conservateur pour un gauchiste. En fait, si ce n’était la qualité de la prose, on aurait l’impression que les lettres n’ont pas été écrites mais dites, dans une conversation à un sens où le seul interlocuteur explose : tant de choses semblent dites sous l’enthousiasme du moment, le poids de circonstances précises. Ce qui est certain, c’est que Brinkmann était un écrivain de grand calibre. « Rome, regards » entre dans une catégorie trop rare, celle des livres qui époustouflent non parce qu’ils sont excellents mais juste parce qu’ils époustouflent – « il est possible de faire ça avec des lettres ? » plutôt que « quelles superbes lettres ici réunies ! ». Voilà qui n’a pas beaucoup de sens dit comme ça. Pourtant, une fois le livre lu, vous comprendrez…
Rolf Dieter Brinkmann, Rome, Regards, Quidam, 28€
NBA 2008 & Au revoir provisoire
- Aleksandar Hemon - The Lazarus Project
- Peter Matthiesen - Shadow Country
- Rachel Kushner - Telex from Cuba
- Marilynne Robinson - Home
- Salvatore Scibona - The end
Cyclocosmia en Belgique
est pour le moment bloqué à la frontière... Il est néanmoins possible aux lecteurs belges de commander la revue. La solution idéale n'est pas de contacter directement Cyclo -- on ne peut régler que par chèque -- mais bien d'emballer l'affaire via http://www.lusagedumonde.eu/, libraire strasbourgeois et adresse de confiance dixit l'ami Antonio. Paiement sécurisé via carte de crédit ou paypal : la France est aussi un pays développé. Il faudra vous acquitter de frais de port, bien sûr. Par contre, ne pas essayer Amazon.fr : le vendeur ne voit même pas la commande, si les gens de Cyclocosmia se fient à de précédentes expériences.
Pour rappel:
La revue évoquée sur Paludes:
http://blog.paludes.fr/post/2008/10/03/Paludes-497-du-vendredi-3-octobre-2008
CYCLOCOSMIA I
Free man on a freight train
Détester Barcelone
J’ai mentionné il y a peu « Odio Barcelona ». Il m’a tenu compagnie dans l’avion de retour et je dois bien avouer un certain plaisir à acheter à Madrid un livre clamant sa haine de Barcelone. Précisons tout de même que dans ces deux cent pages, la haine est essentiellement propagée par des locaux : ce sont des écrivains et des journalistes nés ou ayant vécus ou vivants dans la capitale catalane qui y expliquent, sous des formes diverses, ce qui ne leur plait dans leur ville.
Selon Ana S. Pareja, qui s’est chargée de la coordination du volume, l’idée de départ était de demander à des auteurs d’écrire sur Barcelone en leur accordant carte blanche. Puisque rien n’unit plus deux personnes que de parler mal d’une troisième, l’axe du recueil a été obtenu sans grand effort. En ce qui concerne le choix des intervenants, il y avait deux critères, finalement aussi peu respectés que ceux de « Mutantes » – est-ce une caractéristique locale que de mettre des règles pour ne pas les respecter ?-- : tous les auteurs devaient avoir vécu à Barcelone (ce n’est pas le cas d’un d’entre eux) et être nés après 1975 (et là, ils sont sept sur douze à ne pas rentrer dans le critère). Ne pinaillons pas : je suppose que ces points ont été déterminés a posteriori pour donner une impression d’unité dans l’ensemble des rédacteurs. Ce n’est pas trop le cas, mais il est indéniable qu’en tout cas la grande majorité des auteurs appartiennent à la nouvelle génération d’écrivains espagnols.
La détestation de Barcelone, vue de l’extérieur, peut sembler étrange : grande ville internationale, dynamique, belle et disposant d’une offre culturelle sans pareille dans le sud de l’Europe, c’est en effet un endroit à la mode. Je ne suis allé là bas qu’une seule fois, pour un séjour de trois ou quatre jours. Oui, la ville est belle et les possibilités offertes sont plus nombreuses que celles de Madrid. Pourtant, c’est la capitale espagnole que je préfère : à Barcelone on a l’impression de tomber dans un district international hyper-cher, où l’on ne parle plus qu’anglais ou français. Le typique n’est que touristique, le naturel semble s’effacer. Par ailleurs, l’internationalisation cache l’assez détestable catalanisation des esprits, un processus qui n’a plus rien avoir avec la revendication d’une culture et d’une histoire propre et qui se transformerait presqu’en un racisme contre le reste du pays en général et ceux qui parlent castillan en particulier. Déjà abordé – et de façon brillante – par Jorge Carrión dans « Mutantes », cette tendance est examinée ici par Eloy Fernández Porta. Óscar Gual travaille aussi dans cette direction là lorsqu’il imagine un questionnaire pour admettre dans la ville ceux qui ne peuvent revendiquer un arbre généalogique suffisamment barcelonais : il faut en effet s’assurer que ne rentrent que des gens adaptés culturellement, de potentiels barcelonais de cœur. Suivent dix situations de la vie locale introduisant une question à choix multiples. C’est une nouvelle hilarante qui met en avant la tension ressenti par l’habitant lambda coincé entre le trop plein de fierté locale et les désagréments causés par une internalisation par trop artificielle.
Plusieurs textes abordent de manière plus ou moins directes les effets de la politique de la ville pour encourager le tourisme, que ce soit celui type city-trip ou celui d’une forme plus culturelle (de Gaudi aux nombreux festivals de musique). Politique d’urbanisation pensée uniquement dans cette optique, aliénation de l’espace urbain aux locaux, transformation de Barcelone en logo (le fameux et omniprésent BCN)… Dans un texte étrange et très sinclairien, Javier Calvo évoque ainsi la nécessité à résister à ce processus mené par des magos negros dont le but est de transformer la ville en musée et en parc à thème, remplaçant le vrai par l’artificiel. Mutatis mutandis, le bruxellois devrait instinctivement comprendre ce que Calvo dit ici. Une fois la géographie même de la ville changée arrivent les visiteurs en nombre. Le seul auteur à ne pas pouvoir se baser sur son expérience personnelle – puisqu’il n’y a jamais vécu – s’installe en divers point de la cité condale et demande aux habitants ce qu’ils n’y aiment pas. Et justement, un certain nombre des réponses obtenues par Agustín Fernández Mallo concerne ces visiteurs étrangers. Une d’entre elles est courte mais va droit au but : « Je déteste Barcelone parce que c’est un parc thématique pour dégobillage d’enfants Erasmus ». Et sans doute aussi pour touristes anglais à peine plus civilisés que ceux de Prague.
Une expression qui revient assez souvent est celle de « capitalisme tardif » (qui, et ça n’a rien avoir avec ce livre, m’a toujours fait beaucoup rire en anglais : late capitalism, c’est-à-dire non seulement un capitalisme du dernier stade mais surtout un capitalisme défunt. Voilà donc presque 70 ans qu’il est en train de mourir… L’agonie est longue). Dans une optique jamesonienne, Barcelone se trouverait bien être un très bel exemple de sa logique culturelle. C’est d’ailleurs ce qu’essaie de montrer Matías Néspolo dans un texte confus et prétentieux (non pas par son ambition mais par son mépris affiché pour certains des co-auteurs de « Odio Barcelona » et son incapacité à esquisser sa thèse de façon convaincante autrement que par des arguments d’autorité). En fait, le lecteur picorera lui-même au fil des pages de l’ensemble du livre les éléments qui appartiennent à cet aspect culturel du capitalisme tardif.
Au final, on dit beaucoup de choses qu’on dira d’autres villes – j’ai lu ici ce que j’ai lu ou entendu ailleurs sur Bruxelles, Paris ou Londres – et on soulignera aussi que seuls trois des contributeurs avaient plus de dix-huit ans lors des JO de 1992 : tout le monde semble considérer que c’est avec ces Jeux que le changement s’accéléra, il parait difficile de croire que ces auteurs ont vraiment connu une Barcelone qui n’était pas une métropolis du tourisme multiculturel de pacotille. Mais là n’est pas l’essentiel : l’important réside dans les textes, très variés, parfois choquants et, pour certains, très bons. A ceux déjà cités de Calvo, Gual, Fernández Mallo ou Fernández Porta (qui examine la haine en général, la haine envers la ville et la haine des Barcelonais envers l’extérieur dans un essai nettement plus convaincant que celui de Néspolo), il convient aussi de mentionner Barcelone le jeu d’arcade de Robert Juan-Cantavella, Barcelone la pute de Llucia Ramis et la déclaration de guerre anti-bohème de Javier Blánquez.
Collectif, Odio Barcelona, Melusina, 17€