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Granta livre une liste de plus

Vous l’avez sans doute déjà lu un peu partout : la fameuse revue littéraire Granta a publié sa deuxième liste des meilleurs jeunes romanciers américains. Rendez-vous sur le site pour en avoir le détail. Je dirai juste que je n’ai pas lu beaucoup des auteurs sélectionnés.

Sans surprise, on y retrouve le couple Safran-Foer-Krauss –on dirait le nom d’une maladie-, la version 21eme siècle du couple Auster- Hustvedt. On espère pour eux que leurs textes ne deviendront pas aussi chiant. Ce qui m’étonne, c’est que Granta nous livre une liste de « novelists » peuplée par quelques personnes qui n’ont publié que des nouvelles. J’imagine que les membres du jury ont eu accès à des work-in-progress.

Etant donné que les plus vieux de ces jeunes romanciers sont nés en 1971, on peut peut-être jouer au jeu de qui aurait dû y être. Mon nominé sera Ben Ehrenreich (1972), dont le « The Suitors » était véritablement plein de promesses. Je pourrais aussi citer Lydia Millet (1968) et Chris Adrian (1970), plus âgés que les autres heureux élus, mais je pense que la liste est une d’auteurs de moins de quarante ans, auquel cas ils y ont leurs places. D’autres suggestions ?

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Un sérieux prétendant

En 1967, John Barth publie « The literature of exhaustion », où il aborde la mort du roman et voit une piste de renouvellement dans le recyclage littéraire des formes et textes anciens. C’est ce qu’il fera tout au long de sa carrière, avec notamment Sinbad, les milles et un nuits, ou encore la guerre de Troie.

Près de 40 ans plus tard, Ben Ehrenreich recycle l’Odyssée de manière très convaincante. C’est une vrai réappropriation : il n’a pas la fausse bonne idée de réécrire l’histoire en changeant le cadre, les noms, le vocabulaire. Il préfère prendre le ressort narratif, le faire sien et en sortir un texte qui lui est propre, renvoyant à Homère sans afficher un respect qui serait paralysant.

Payne meets Penny. Ils tombent amoureux, s’achètent un billet de bus, destination le plus loin possible. Une fois arrivés, Payne construit une maison, colonise la région, enrôle quelques misérables hères vivant dans le coin et part à l’attaque des voisins, tuant, pillant, volant, s’enrichissant. Jamais repu, il se laisse embarquer dans une guerre indéterminée, lointaine et interminable, laissant derrière lui une Penny enceinte, entourée de courtisans qui s’enhardissent avec les années.

Ehrenreich laisse entrevoir de très belles choses. Une voix et un style propre, une capacité à s’attaquer sans complexe à des choses plutôt difficile – que ce soit Homère, le pouvoir, l’amour- sans que ce soit bateau, et une maîtrise technique lui permettant de jongler avec les types de narrations d’une façon harmonieuse – tour à tour récit épistolaire, assemblage de témoignages écrits à la première personne ou fiction classique avec narrateur omniscient.

J’ai beaucoup apprécié les moments de repas dans la demeure Penny. La meilleure scène de ce type est sans doute celle où les prétendants, ayant entendu une rumeur qui disait Payne mort, se lancèrent dans un spectacle odieux devant la « veuve », chaque plat, chaque discours une occasion de célébrer la mort de l’époux. Les personnages et les plats sont décrits avec une verve qui fait penser à un Pynchon qui aurait –malheureusement, tout de même- garder le sens des proportions – orgie et chansons incluses.

Tout n’est pas parfait : dans la première partie, par exemple, Ehrenreich s’étend avec une certain pesanteur sur les procédés de conquête de Payne afin sans doute de faire saisir au lecteur un parallèle avec une certaine administration actuelle. C’est pataud et convenu – il n’est pas nécessaire de souligner à gros traits ce qui semble évident.

Ceci étant, « The Suitors » est un premier roman tout à fait remarquable qui permet à son auteur de s’affirmer comme un des prétendants à la relève littéraire américaine. En tout cas, une belle preuve du dynamisme des écrivains de ce pays.

Ben Ehrenreich, The suitors, Counterpoint, $23.00

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