Rollercoaster ride - un petit au revoir
Dans la nuit de vendredi à samedi, je suis rentré chez moi un peu éméché vers deux heures trente et ai découvert dans ma boîte mail une note qui m’annonçait la sortie possible d’un nouveau roman de Thomas Pynchon en août 2009. Plein d’espoir quoique incrédule, je me suis couché tranquille et ai dormi du sommeil du juste. On ne l’a appris que ce matin, mais cette même nuit, quatre heures plus tard selon la police de Claremont, le corps sans vie de David Foster Wallace était découvert par sa femme. Les nouvelles ne sont bien sûr pas liées si ce n’est que l’une m’a donné de la joie et que l’autre m’a donné énormément de tristesse. Le premier texte de DFW que j’ai lu fut « Mister Squishy », la nouvelle qui ouvre le recueil « Oblivion : stories ». Pas vraiment love at first sight mais la compréhension immédiate d’être face à un écrivain, un vrai, de ceux qui bousculent ce que l’on sait de la littérature. Au fil des textes, la séduction opéra. On pourrait parler de ses autres nouvelles, de ses romans, de ses articles d’une intelligence fulgurante et d’un humour qui vous fait secouer la cage thoracique pendant des minutes. On le fera ou d’autres le feront. Aujourd’hui, je pense à l’une ou l’autre discussion anecdotique que j’ai eue à son sujet. Avec Xavier, mon collègue et ami, lorsqu’il se dépatouillait dans « Infinite Jest », ses tous petits caractères impossibles à saisir sur la banquette rebondissante du bus qui l’emmenait au boulot. On a causé de ça, on a causé du bouquin qu’il lisait, j’ai l’impression, quelques part entre frustration et admiration, parce c’était souvent ces deux choses là qu’on ressentait avec DFW. Je me souviens aussi de la conversation parisienne, un soir il y a deux semaines, dans un petit appart’ du XVIIIème avec l’ami Olivier et sa mie, on évoquait un peu le personnage, notre découverte de son travail, son esbroufe peut-être, sa stature surement, son immense talent à tous les coups. Sur le coup, il s’agissait juste de parler de gens qu’on aime, de gens qu’on admire, de gens comme on aimerait en lire plus et peut-être se disait-on « café du commerce », tu vois, ce n’est pas de la critique littéraire, ce sont des moments agréables et rien de profond n’est dit dans nos bavardages. C’est vrai. Mais aujourd’hui ça prend une autre couleur et c’est précisément le genre de moment qui nous font nous rendre compte de l’importance que tout ça peut avoir pour nous. Comme Pynchon, bien que sans en atteindre la magnitude, DFW était suivi par une communauté de maniaques online, de fans absolus qui tentaient de dénouer le fil de son univers littéraire. Il y a peu, cette communauté bruissait d’une douce rumeur : l’auteur fétiche venait de demander un congé académique de six mois et il semblait certain qu’il s’agissait pour lui d’enfin plancher sur un nouveau roman, successeur d’ « Infinite Jest », baleine blanche des années ’90. Ce rêve s’est écroulé ce matin. David Foster Wallace est mort bien trop jeune, soyons pourtant certains que les discussions sur ses travaux continueront, qu’il sera lu encore et encore. Maigre consolation : les livres ne meurent pas. Bon vent, écrivain au bandana. Nos pensées vont à sa famille.
5 commentaires:
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C'est un trés beau texte que tu as écrit là. Je n'aurais pas fait mieux, loin de là.
Tristesse.
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Peut être que si le Claremont de DFW est situé en Californie alors le lien avec le Pynch est tout trouvé puisqu'il s'agit du San Narciso de "Lot49"...
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Oui, très beau texte, Fausto.
Depuis ce midi, la boule dans la gorge ne m'a pas quitté.
J'avais découvert DFW avec "Brefs entretiens..."
Infinite Jest est là, derrière moi.
Je le sens palpiter.
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Pourquoi s'est-il pendu ?
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http://shigekuni.blogspot.com/2008/09/on-dfw.html