Bolaño: sur une piste ténue
6 commentaires:
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ça m'ennuie, mais je vais être obligé d'être d'accord avec toi une seconde fois ! La Piste des glaces est un très bon livre qui, effectivement, annonce à bien des égards l'oeuvre à venir. Le thème qui m'a le plus fasciné est celui des voix multiples, des interprétations multiples, ce qui se retrouvera effectivement dans les Détectives mais aussi dans La partie des crimes de 2666. Nous en avions un peu parlé ensemble à propos de Volpi. La PG n'est pas un roman policier, pas plus que les Détectives, pas plus que la partie des crimes. Mais à chaque fois, il s'agit de jouer avec le genre. Et un problème apparaît toujours : l'absence de réalité objective. Il n'y a que des témoignages, des points de vue sur un événement, des perspectives.
Je ne sais que tu n'es pas vraiment d'accord avec moi, mais j'insiste !
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Fausto, encore un beau papier. As-tu lu aussi la Universidad desconocida et le dernier recueil (posthume) de nouvelles? Je crois qu'il y a des choses qui t'intéresseront (pour le papier sur la gauche).
Alors, c'est bien Madrid?
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J'irai même plus loin que toi Bartleby, les livres entre eux fonctionnent à mon avis comme des témoignages de quelque(s) scène(s) primitive(s). En particulier par exemple, si je ne me trompe pas, il y a des points de frictions importants entre cette "période" de Belano et la "même" histoire dans les Détectives. Mais les scènes sont toujours données d'un point de vue différents et (éventuellement) complémentaires. A d'autres reprises dans l'oeuvre de Bolaño, on a ça : une scène archétypale (une mise en scène en fait) qui sera reprise sous différents "angles" (à défaut de trouver un meilleur mot tout de suite). Double construction, à mon avis, du livre à l'oeuvre : multiplicité des voix et des regards entre eux pour aboutir à un livre, et multiplicité des livres pour aboutir au Livre (absent ou avorté, évidemment, à l'instar de celui de Mallarmé).
Je suis tout à fait d'accord avec cette idée d'absence de réalité objective chez Bolaño... il y a certainement des clefs à la compréhension de cette idée et des ombres projetées par les narrations, digressions, kaléidoscopes bolañiens dans le discours de son personnage de Farewell dans Nocturne du Chili dans lequel je suis plongé en ce moment.
Et aussi, tout à fait d'accord avec toi, Fausto, lorsque tu parles de ce triangle de personnages comme central (ça me fait penser à Hitchcock au passage, non ?). Il y a un pratique de la géométrie de personnages chez Bolaño assez impressionnante je trouve. Quelque chose qui permet de faire tenir tout, tout, tout.
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Dans Nocturne du Chili, je n'en ai pas parlé (c'est quand même ce que je prépare pour toi), mais c'est très caractéristique. Qu'a fait Farewell ? Difficile à dire... Il n'y a que son témoignage, ce qu'il dit et laisse deviner, mais c'est finalement au lecteur de le juger, si jugement il doit y avoir. On retrouve le point de vue unique, entre réalité et mensonge, entre réalité et délire un peu partout, notamment dans Amuleto que tu aimes tant.
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Oui, le délire (qui est une forme de mensonge en même tant que d'authenticité, mais être authentique n'est pas forcément être juste ou proche de la vérité) est un des régimes de narration que je préfère chez Bolaño et qui, peut-être, est celui qui fonctionne le mieux. (Chez moi en tout cas.)
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Mathias, que dire de Madrid? Je vis comme un marujo et je passe le temps libre à lire dans le parc ou à écrire des conneries. Le bonheur. Le mois de juin à Bruxelles sera moins marrant, mais je suis bientôt ici pour de bon.
Je n'ai pas lu "La universidad..." et compte le faire la semaine prochaine. "El secreto del mal" sera aussi au programme relecture. Merci de ton commentaire.
Bartl' (et Tonio): il n'y a jamais eu désaccord sur la réalité objective, il y en a eu sur la façon de le présenter. Chez Bolaño, il y a bien impossibilité de trouver une réalité objective, ce qui ne veut pas dire qu'elle n'existe pas. Bartleby, avec sa citation de Lacan fait une lecture maximaliste (la réalité objective n'existe pas), comme si ne pas savoir exprimer cette réalité revenait à sa non-existence. C'est pour moi une erreur et non, ce n'est pas un pinaillage: l'une des grandes différences entre modernes et postmodernes, pour utiliser des catégories réductrices, est (dixit Josipovici) que les premiers croyaient en la Vérité et la Réalité, leur malheur venant de l'aspect inaccessible de celles-ci tandis que les seconds croient à une multiplicité de vérités et de réalités. Et il se trouve que Bolaño, à mon sens, est bien plus proche des modernistes. Les points de vue différents ne soulignent pas tant l'absence de réalité ou de vérité qu'ils ne servent à montrer la douleur née de l'impossibilité à écrire la Vérité et la Réalité. D'où désespoir et colère. Fausto dixit.