Aural Delight - La Pitchforkisation des esprits

Vers la fin de 2006, alors que la majorité des blogs littéraires se lançaient dans le petit jeu de « lister » les meilleurs livres de l’année écoulée, certains, souhaitant élargir leur champ de vision, y ajoutèrent des listes d’albums ou de chansons. Le même phénomène avait lieu sur les listes de discussions. Ces tops m’ont, d’une certaine façon, interpellés, puisqu’il m’ont permis de constater ce que tous ces gens dont je me sentais proche en matière littéraire écoutaient. Il se trouve que la plupart de ces internautes se retrouvaient, peu ou prou, dans le best of 2006 de Pitchfork.

Triste constat ! Voilà des bloggueurs qui prouvent quotidiennement qu’il y autre chose à se mettre sous la dent en matière de littérature que ce qui est représenté dans les plus gros médias et qui, en matière musicale, semblent totalement phagocyté par les édits de Pitchfork. Créé en 1995 par Ryan Schreiber, ce site indépendant est sans conteste devenu le plus populaire du web en matière de reviews et de news. Il a vite eu, c’est la rançon du succès, ces critiques – le plus facile, pour rigoler un coup, c’est de se demander le sens réel de coter un album 7.2/10 et l’autre 7.3/10 : qu’est-ce qui justifie cette différence ?-, mais c’est néanmoins un incontournable du net.

Ce qui me gène, c’est que le site est devenu une sorte de bible qui fait et défait les réputations, comme le NME en Angleterre. Pourtant, on peut remettre en doute la pertinence de leurs choix qui, si l’on sort du domaine de la pop soi-disant « indie », sont faits toujours bien après la guerre. Toujours comme le NME, l’arrogance avec laquelle les opinions des rédacteurs sont parfois proférées est sidérante, d’autant plus lorsqu’on se rend compte à quel point ils sont souvent complètement ignorants.

Au début, Pitchfork se cantonnait au domaine pop / rock. Là, au moins, on les sentait à l’aise, quoique oser dire que « Eureka » de Jim O’Rourke est « a bit on the boring side » mérite un exécution expéditive. Les vrais problèmes pointèrent le bout du nez lorsqu’ils s’ouvrirent à d’autres genres. Le Hip-hop par exemple. Ils aiment le plus commercial comme le vaguement underground. Pas de problème pour moi : j’en suis là aussi. Mais lorsque une année on a Snoop a 2.1/10 et l’autre à 7.6/10 pour deux albums qui sont sensiblement similaires, on commence à avoir la désagréable impression que tout dépend non pas de la musique mais de savoir si Snoop est « up » ou « down » sur l’échelle de la coolitude des white kids à la coupe de cheveux style playmobil.

Un autre exemple est celui du Metal. Il y a peu encore, Pitchfork n’évoquait jamais les tribus chevelues, sinon de manière moqueuse au détour d’une chronique. Mais voilà, Heavy is in et donc ils s’y sont mis avec deux ans de retard. Il y a même une column spéciale une fois par mois – « Show no mercy », dont l’auteur s’est senti obligé d’expliquer l’origine du nom pour la première édition- en plus de la review occasionelle. Les chroniqueurs démontrent, et c’est assez touchant à voir, le zèle du converti. Ce zèle, cet empressement, soulignent d’ailleurs l’ignorance profonde de ce dont ils parlent – une médiocrité absolue comme Wolves in the Throne Room serait un des meilleurs CD’s de l’année, Dodheimsgard fait penser à Dimmu Borgir (aaaaaarghhhhh) et leur dernier album est plus ambitieux que tout ce qu’ils ont fait avant – mieux vaut être aveugle que de lire des conneries pareilles, tant tout ce que j’ai entendu doesn’t hold a candle to « 666 International »- et Naglfar serait devenu tout d’un coup un groupe qui innove…

La morale de cette histoire ? Peut-être est-il impossible d’être à la pointe dans deux arts différents. C’est sans doute pour ça que plus je lis plus je décroche musicalement. Une résolution tardive pour 2007 ? Ne plus écouter les lit-bloggers lorsqu’ils causent musique. Une exception qui confirme la règle ? O.Lamm, bien sûr.

------------

Dans le genre embarrassant, Brandon Stosuy dit dans le premier « Show no mercy » avoir trouvé « kinda cool » qu’un type à un concert de Sunn connaisse Immortal….

Ce message a été écrit en écoutant: Sufjan Stevens, The Talking Heads, The Art Ensemble of Chicago, Killing Joke, Ghost, Gilberto Gil, Sanjah, Bubba Sparxxx, Ruins, Deathspell Omega, Andrew Bird. Vous y aurez reconnus l'un ou l'autre darling de Pitchfork. Impossible d'y échapper.

 

0 commentaires:

Clicky Web Analytics