Alice in Mailerland

Si vous recherchez Alice Denham dans google, le premier lien vous mènera sur babeinvasion, un site recensant des liens vers des images de femmes nues (ou à moitié). De fait, la dame a été Playmate du mois de juillet 1956. Quel lien avec la littérature ? Le travail de modèle n’était qu’alimentaire, une façon de financer ses heures passées à écrire.

Auteur de trois romans et de plusieurs nouvelles, ancienne professeur de creative writing au City College de New York, Alice Denham livre aujourd’hui « Sleeping with bad boys », mémoires de ses années d’aspirant-écrivain dans la Big Apple des années 50-60.

C’était l’époque de William Styron, James Jones et Norman Mailer. Une nouvelle génération prenait le relais, et tout le monde voulait écrire. Le milieu littéraire était proche, tout le monde semblait se connaître. Alice Denham se considérait comme l’égale de ses amis. Elle allait devoir déchanter : l’époque était toujours au machisme.

Cette superbe femme avait une sexualité d’homme. Et la liste de ceux qui sont passés par son lit est impressionnante : de James Dean à Philip Roth, en passant par Hugh Hefner et William Gaddis. A la recherche du vrai amour, elle ne le trouve pas : les prétendants sérieux ne veulent pas d’une épouse qui soit leur égal intellectuel ou qui ait une carrière bien à elle.

« Sleeping with bad boys » est partiellement le récit des désillusions d’une jeune fille naïve. Trahie ou ignorée par certains, rejetée par les éditeurs surpris par la vision de la femme contenue dans ses écrits, maudite par sa mère, Denham ne regrette pourtant rien et en profite pour décrire les symptômes précurseurs de la libération des années ’60.

Malheureusement, les pages vraiment intéressantes sont rares. Il s’agit surtout d’une longue liste de célébrités rencontrées, baisées, rejetées et d’anecdotes parfois triviales, rarement révélatrices. On notera tout de même ici ou là des détails intéressants sur la manière de travailler de certains auteurs. J’ignorais, par exemple, que Pfizer avait accordé à William Gaddis un contrat spécial lui permettant, aux frais de la compagnie, de travailler son roman le matin et d’écrire pour le boulot l’après-midi. On le présentait aux visiteurs comme « l’écrivain de la maison ». Il semblerait aussi que sa deuxième femme, dans les années ’70, essaya en vain de vendre « JR » à Hollywood. Je ne sais trop ce qu’il faut penser de cette idée qui me paraît, de prime abord, complètement absurde.

Alice Denham écrit le plus juste lorsqu’elle parle de sa famille et du décès de son père. Ce sont les pages les plus touchantes du livre, mais je ne pense pas que ce sont celles qui font vendre le livre. Les amateurs du Village des fifties trouveront sans doute ici quelques histoires valables racontées par un témoin central, mais la pertinence réelle de l’œuvre ne me semble pas évidente.

Notons tout de même qu’il ne faut pas jeter tout le trivial à la poubelle. Denham raconte une soirée chez les Mailer où un Norman nu se met à sauter sur le lit. Elle décrit sa verge : « an ordinary penis, scared balls trying to hide from all this show ». Cette description prend toute sa valeur quand on veut bien se rappeler que « Barbary Shore », « An american dream » ou « Why are we in Vietnam? » pourraient tous avoir été écrits avec une bite plutôt qu’une Remington.

Alice Denham, Sleeping with bad boys, Book republic, $14.95

 

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