Marche forcée

Le premier Doctorow que j’ai lu est « Ragtime », un roman fort agréable qui m’avait tout de même fait l’effet d’un « USA » light. Et finalement, light convient bien pour décrire les autres livres de cet auteur que j’ai eu l’occasion de lire.

« Billy Bathgate » est l’histoire de l’ascension dans le monde du crime new-yorkais d’un jeune gars plutôt débrouillard. Un bon début, et puis la magie disparaît et ça devient franchement chiant. Moi qui ai toujours aimé les histoires de gangsters… « Le plongeon Lumme » met en présence Joe, un vagabond, et un milliardaire mégalo. C’est une allégorie de l’Amérique des années ’30, celle de la crise, de la violence et des luttes syndicales. C’est surtout confus, agaçant et instantanément oubliable.

On voit bien l’intention de Doctorow : établir une histoire des Etats-Unis à travers la fiction – et de fait, son œuvre couvre pratiquement l’ensemble du vingtième siècle. Malheureusement, je pense qu’il échoue. Contrairement à un Vollmann, qui arrive à insuffler à ses récits une dimension proprement mythique tout en garantissant un souci du détail et de l’authenticité qui instruit autant qu’il réjouit le lecteur, Doctorow se contente trop souvent de poncifs.

Malgré tout, j’ai persévéré : je viens de lire « The March », finaliste du National Book Award 2005. La marche en question, c’est celle du Général Sherman et des troupes de l’Union commencée après la prise d’Atlanta et qui se termine avec le fin de la guerre civile. Encore un sujet qui m’intéresse : une bonne partie de mon enfance fut passée à lire « Les tuniques bleues » puis « Blueberry ».

Selon moi, ce livre vient en deuxième position derrière « Ragtime », mais reste un peu « court ». En fait, c’est comme se laisser emporter par la mer. Doctorow est parfois sur la vague, et parfois au creux de celle-ci. Les scènes de batailles ainsi que la description des pratiques médicales sur le terrain sont absolument fascinantes. Le général Sherman tel que décrit dans ces pages est un personnage marquant et complexe. Il fascine et répugne à la fois, c’est là une grande réussite – mais il faut dire que la réalité à donner un sacré coup de main à l'auteur.

Le problème, il me semble, est que chaque personnage est choisi et composé dans un but édificateur. Doctorow ne construit pas sur ses personnages, il les façonne chacun dans un but très précis, afin d’illustrer, qui une personnalité ou un comportement, qui une catégorie sociale, qui une origine ethnique. Ca peut marcher, j’imagine, mais là, ça paraît beaucoup trop souvent artificiel.

Enfin de compte, on ne croit aux évènements qu’à de beaucoup trop rares occasions. Doctorow n’arrive à faire entrevoir la réalité que trop rarement, et il n’arrive pas plus à soulever l’enthousiasme pour sa fiction.

Je me souviens avoir lu une critique laissé par un lecteur qui reprochait au livre de ne pas avoir une histoire claire et de compter trop de personnages. C’est le genre de reproche assez typique qui est fait par l’amateur de narration linéaire et « plot-driven » à des livres un peu plus littéraires. Les livres de Doctorow sont ce qu’on appelle chez les anglo-saxons de « Literary fictions », et ils ont la chance de se vendre très bien, franchissant les barrières qui séparent la littérature dite sérieuse des lecteurs de roman populaires. Formidable, mais si pour l’amateur de Dan Brown, « The March » sera sans doute trop, pour moi il est trop peu. Non, définitivement, je n’accroche pas à l’œuvre d’Edgar Lawrence Doctorow.

Que le lecteur qui l’apprécie me signale un autre de ses livres qui pourrait me plaire. Je veux bien essayer encore une fois.

E.L. Doctorow, The March, Little, Brown, £11.99

 

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