Mian-Mian, poétesse pop (2)

Chose promise, chose due, je vais vous expliquer de quoi retournait ce docu. Commençons par la ville de Shanghai, vue pour une fois du point de vue artistique.

De façon assez marrante, les deux personnes interrogées sont des occidentaux –ils sont d’ailleurs assez nombreux à s’être installés là-bas ces dernières années. Le patron de la galerie ShangArt montre quelques œuvres d’artistes locaux. Il est arrivé en Chine en 1994 et a ouvert sa galerie deux ans plus tard. Selon lui, Shanghai serait une ville chinoise et occidentale à parts égales, mais malgré son avantage sur le reste du pays, la création n’y avance pas assez vite. Et c’est vrai : les nouveaux artistes chinois ne sont pas toujours très convaincants. J’avais vu quelques travaux lors d’une expo à Bruxelles, et ce que j’ai vu cette fois-ci à la télé était dans le même genre : variations pop sur « l’âge d’or » de la Chine communiste, mélanges d’art traditionnel et de kitsch ou, au mieux, variations baconiennes qui sentent le déjà vu.

Shanghai est une ville « toujours grise » dit Mian-Mian, une ville chaotique, de « changements continuels, imprévisibles » et « aux formes féminines ». On y trouve des bars pop / rock comme dans toutes les grandes villes du monde, et on peut aller dans des soirées techno du genre de celles d’il y a 10 ans chez nous. Il y’a six ans, il n’y avait rien.

Ce qui nous amène au premier roman de Mian-Mian, « Les bonbons chinois », justement publié pour la première fois en Chine continentale il y a un peu plus de six ans. Première femme à écrire un tel livre, plein de déprime, de sexe, de drogues et de musique, il a évidemment été mal reçu par les éditeurs locaux et par le pouvoir. Elle a réussi à le faire paraître à Hong-Kong mais pour le reste du pays, il fallut couper, jusqu’à rendre le contenu complètement inoffensif.

L’histoire qui a mené à l’écriture de ce roman est d’un classique… À 16 ans, Mian-Mian se rend compte que l’école, c’est pas pour elle. Son ambition, c’est écrire. Mais quitter le collège ne lui permet de trouver sa voie : elle part dans une ville du sud, découvre la drogue, et, six ans plus tard, rentre en désintox’. Après cette cure, elle tient le sujet de son premier roman qui, pourtant, « n’est pas autobiographique. Ma vie est beaucoup plus triste –dans le sens monotone, j’imagine- que mes romans ».

En 2000, son premier roman, ainsi que trois recueils de nouvelles sont interdits par le gouvernement. Trop tard, le succès est déjà là. Deux ans plus tard, l’interdiction est levée et Mian-Mian publie un recueil d’articles. « Panda », son nouveau roman, vient de sortir en Chine. Selon Pierre Haski, correspondant de Libération à Pékin, ce serait le dernier : la diva pop trouve l’écriture trop fatigante.

Va-t-elle se consacrer à l’organisation de soirées techno ? Peut-être bien. Ne disait-elle pas dans le documentaire « la musique est plus proche du corps, plus que la littérature, plus que la peinture » ? En tout cas, sa place comme élément central de la jeune scène artistique de Shanghai semble assurée. Mian-Mian, la Gertrude Stein locale.

 

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