Le pingouin a 70 ans, George et Zadie soufflent les bougies

En 1935, après un week-end chez Agatha Christie, Allen se retrouve sur le quai d’une gare de province sans rien à lire. Il fouille chez le marchand de journaux et ne trouve que de mauvais magazines ou des romans victoriens. Il doit quand même y avoir moyen de trouver dans un kiosque, dans une gare ou dans une librairie des livres de qualité à prix modéré… Et bien non. Afin de remédier à cette situation plus que préoccupante pour l’éducation des futurs cerveaux de sa majesté, Allen Lane invente les Penguin paperbacks.

Très vite, la collection bénéficie de la publication d’œuvres d’Hemingway, Christie ou Maurois. En un an, la maison d’édition vend plus de trois millions de « paperbacks ». Le phénomène était lancé, impossible à arrêter.

70 ans plus tard, Penguin dresse le bilan, évidemment positif. Les plus grands du vingtième figurent dans la collection, et les classiques des siècles précédents se sont aussi fait une belle place. Pour célébrer l’anniversaire, la maison d’Allen Lane publie encore plus de bouquins : « Penguin by design : a cover story 1935-2005 » par Phil Baines, « Penguin Special : the life and times of Allen Lane » par Jeremy Lewis, ainsi que 70 petits livres de cinquante pages, chacun consacré à quelques petits textes d’un auteur pingouin, contemporain ou non.

J’ai lu deux de ces petits ouvrages. Le premier est de George Orwell. « In defence of english cooking » regroupe quatre textes déjà disponibles dans « The Penguin essays of George Orwell ». Les sujets? Le positionnement politique de son pays, les mécanismes du nationalisme –à comprendre comme le fait de s’identifier en tant que membre d’une nation ou bien d’un groupe quelconque, plaçant ce groupe au-delà du bien, du mal, ou de toute critique-, la cuisine anglaise et les ennemis de la littérature. Ce dernier texte est le plus intéressant. Orwell y soutient que ceux qui font le plus de mal aux lettres sont justement les intellectuels. En effet, à la fin des années ’40 –et comme ça allait être le cas en France pendant de longues décennies-, il semblait à ces « penseurs » plus facile de défendre la liberté morale que la liberté intellectuelle. D’où le peu de critiques émises envers l’URSS, ainsi que le nombre incroyable d’informations que l’on préfère ne pas répandre parce qu’elles vont à l’encontre de sa petite mythologie auto-construite. Et Orwell d’insister que cette complaisance envers un régime totalitaire est auto-destructrice : « At present we know only that the imagination, like certain wild animals, will not breed in captivity. Any writer or journalist who denies that fact (…) is, in effect, demanding is own destruction. »

D’imagination, Zadie Smith n’en manque pas. « Sourires de loup », son premier roman était déjà assez saisissant, faisant d’elle une sorte de Salman Rushdie londono-jamaïcaine. Son dernier né, « L’homme à l’autographe », est un véritable chef-d’œuvre, j’espère pouvoir en parler bientôt. Mais que dire de « Hanwell in Hell », cette nouvelle initialement parue dans le New Yorker ? En 24 pages, Smith arrive à créer une histoire réellement splendide, qui reste avec vous longtemps après l’avoir finie, beaucoup plus longtemps que restent la plupart des romans contemporains de 300 pages. Je n’en dis pas plus, merci à Penguin de rendre cette merveille disponible à plus ou moins 2€50 dans « Martha and Hanwell ». La première nouvelle est nettement moins réussie, mais il ne faudrait pas que cela vous empêche de vous jeter sur l’autre.

Plus d’infos sur l’anniversaire Penguin, ainsi que la liste des 70 titres disponibles ici.

 

1 commentaires:

  1. La formulation était volontairement provocatrice: bien sur les intellectuels nourissent aussi la littérature, ils devraient même en être les principaux défenseurs. Le danger vient de ceux, et ils ont été nombreux, qui jugent que certaines choses ne doivent pas être dites et soumettent l'imagination aux exigences de "la cause", quelle qu'elle soit.

    on 9:51 PM


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